Sieù entrada a maïoun coura lo soleù era a s’amuercir
Je suis rentrée chez moi au couchant du soleil
Sur le chemin du retour mes jambes me portaient légères dans l’air frais du soir qui naissait.
Fraîcheur printanière de ce début de Mars plus fou que les autres avant lui. Sous mes pieds le bitume du trottoir qui descend vers chez moi, au dessus le ciel blanc de brume, souvenir d’un après midi trop chaud, d’un dimanche trop beau.
A mon nez, odeurs lointaines de la mer, tout au fond du poster que je déroule en marchant. Tout près l’odeur de la colline sèche à mon flanc. Et tenant les deux ensembles dans ses bras d’air, cette odeur indéfinissable de plénitude au milieu du chaos. Cette odeur de bonheur profond et absolu, cette envie de premier apéro de l’année posée sur la terrasse face au ciel fatigué et pourtant neuf soudain.
D’un coup tout est possible dans l’esprit qui s’éveille, tout est à dire, tout est à faire. D’un coup tu es le premier homme, la première femme. Tu es le seul, la seule à le savoir mais tu le sais et tu ne te trompes pas… C’est la fleur d’amandier que tu as vue sur l’arbre tout à l’heure qui fleurit à présent dans ton corps, dans ton cœur. C’est la vigne sauvage qui s’accroche et se vrille à tes pensées volatiles. C’est ta vie qui te revient juste entre tes mains…
Sieù entrada a maïoun coura lo soleù era a s’amuercir
Je suis rentrée chez moi au couchant du soleil…
Plus un bruit aux cimes des collines. Plus un bruit, que le chant des oiseaux à mon cœur réjouit. Plus d’odeurs de voitures et d’humains. Plus d’odeurs, que celle de la terre du talus que je longe, que celle de cet air qui me porte et m’allège. Les mimosas fanés, ont laissé leur jeunesse dans la chaleur précoce qui a hâté leur mort. Ils ont déjà fait place à la blancheur des arbres, neige de printemps, fruits juteux de l’été… Je suis enfin seule, face à moi. Seule face à la mer au loin. Seule et heureuse dans l’air du renouveau. Pas de raison pourtant à ce bonheur soudain. Pas plus qu’hier du moins… pas de raison et pourtant … qui m’a donc pris dans sa main ? Je ne le saurai pas, je m’en moque d’ailleurs… je sais que je ne tomberai pas parce que j’ai confiance. Je sais que je ne tomberai pas parce que j’ouvre mon cœur où il y a tant de place et de larmes mélangées. Parce que j’ai décidé un jour que c’était la vie que je choisissais. Parce que je le décide à chaque pas que je fais… à chaque pas j’ai peur, à chaque pas j’avance, à chaque pas… je vis !
Texte et photo Isabelle Pozzi