SOUVIENS T’EN
Au temps jadis, la vie filait ces soirs d’hiver ;
Prés de l’âtre, rassemblés, les hommes racontaient
Leurs combats singuliers pour conquérir la terre
Leur visage s’éclairait quand la flamme montait.
Souviens – toi, à l’époque, leurs premiers parchemins,
Leur premier mot écrit aux abysses étoilés,
Et le verbe hésitant, malhabile, en leurs mains
Serrant très fort la plume d’une pensée éclairée.
Récits épiques d’antan, vieux singes en leur tanière
Devinaient –ils qu’en eux, déjà la lumière fut ?
La conscience du bien en leur fibre première,
Sur le mur, redoutait l’ombre glauque des refus
Et la bûche craquait sur des chenets rougis
Par la fièvre des âmes, que leurs mains repoussaient ;
Les femmes en tissant aspiraient à la nuit
Aux caresses des hommes et quelques fois priaient.
En devenant l’offrande des dieux de l’univers,
Fleurs de givre ou d’été, sur l’autel, gisant :
Jouet de leur plaisir, orgueil de leurs pères
Sacrifice sanglant, elles fleurissaient souvent
Mais le bonheur était simple pour elles, sous l’abat - jour
Il fallait bien survivre aux grandes calamités
Et seuls pouvaient prétendre les jeux de l’amour
Pour apaiser la haine des combats meurtriers.
Sans compter les disettes et les épidémies,
Le vide insoutenable, les nouvelles du front,
L’urgence des semailles pour que vive l’épi
Dispersant sa semence sur le lit des moissons.
Pour dire la vérité, sur les temps d’aujourd’hui,
Pas besoin d’une plume pour écrire sur les murs
Dans le plus grand secret à la lueur d’une bougie :
Le confort des prisons enferme le futur.
Au temps jadis la vie s’apprenait à l’école ;
A lire et à compter et même la morale
Sa place dans le monde, sa fonction et son rôle
Les maîtres en blouse grise prônaient un idéal.
Mais celui qui nous tient, si l’on peut parler vrai,
Dont les fins essentielles sont celles du profit ;
A enchaîner les cœurs, étouffer les projets ;
A la peur de la rue l’espoir est démuni.
Souviens – toi la bûche craquait sur des chenets rougis
Par la fièvre des âmes qui caresse les hommes
Maintenant, ils veulent tout du progrès accompli
Et haussent les épaules quand on parle de l’ozone.
Souviens – toi de tout ça…
Et lève – toi, c’est l ‘heure du combat
Pour survivre !
Pierre WATTEBLED. Le 13 janvier 2007