Le bateau ivre
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 Auteur : Pascal9

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MessageSujet: Auteur : Pascal9   Auteur : Pascal9 EmptyMer 4 Oct - 12:46

La chanson de Korolev…


« Le destin mêle les cartes et nous jouons »
Arthur Schopenhauer

Ile artificielle, Nelson Mandela, large de l’Angleterre…
31 décembre 2031. Un hiver banal, semblable à des milliers de ses prédécesseurs. L’air vif transfigurait en univers technicolor les différents emplacements aménagés pour la transition, des nuées de techniciens parcouraient le tarmac, des véhicules de toute nature filaient sur le béton. Dans le Noyau, les Omniscients basculaient dans la fébrilité à mesure que le Transfert s’annonçait. Presque 00 H 00, un cycle de plus qui se terminait. Dans quelques instants, ce serait l’immobilisation totale, les machines, les hommes, le vent même – dans quelques instants ce serait le Transfert.
Assis dans l’appareil, Wenten Possum Tjapaltjarri parcourait du bout des yeux une série d’écrans de contrôle, ajustant les derniers paramètres à la projection en cours. Quand il eût terminé, il leva les yeux vers le chronomètre. C’était presque le moment. Il se harnacha avec un soupir, et s’installa confortablement tout en ayant une pensée pour son père qui l’attendait, là-bas… A la frontière de la Tasmanie. Puis il se concentra, plaça ses membres inférieurs et supérieurs dans les alvéoles du siège et ferma les yeux… Les chiffres de l’heure inéluctable s’inscrivaient en hologramme sur la verrière…
00 H 00… Transfert…

Le monde avait changé depuis la première décennie du 21ème siècle et l’exploitation de
la planète Mars par la Chine. L’empire Céleste avait déconcerté le reste de la planète, en lançant la première ses vaisseaux vers la planète rouge…
La technologie du Transfert avait révolutionné les voyages dans l’espace… La translation n’était plus du domaine de la physique, mais ce n’était pas le moment d’une explication, peu nécessaire, d’ailleurs… L’innovation la plus marquante de la Nouvelle République Populaire de Chine avait été d’associer à son essor spatial la plupart des pays neufs… Ces nations que l’on qualifiait de sous-développé au siècle précédent…
Le choix du docteur Wenten Possum Tjapaltjarri n’était pas d’ailleurs totalement gratuit, outre ces fonctions de Crypto Zoologue, il était le plus apte à résoudre le fait qui troublait la plupart des gouvernements…
Le Transfert nécessitait un relais sur la lune… Un calcul précis des données étant recommandé… L’astre de la nuit avait été la première phase d’une conquête qui semblait se révéler exponentielle. La lune cachait une partie importante de sa surface aux observateurs terrestres. Ceci était dû au fait que le mouvement de rotation qui l’animait se produisait dans le même sens, et le même temps que son mouvement de révolution autour de la terre, cette synchronisation des périodes de rotation et de révolution n’était pas le fruit du hasard, mais résultait en fait de l’action des forces des marées depuis la création du système Terre Lune.
Il avait fallu attendre les années soixante du siècle précédent pour que la partie cachée soit enfin révélée sur des clichés, grâce aux sondes soviétiques Luna et américaines Luna Orbiter… Sur cette face, les cratères y étaient extrêmement abondants et atteignaient une taille extravagante…
Le radio télescope de Nobeyama au Japon avait décelé une anomalie majeure dont l’origine se trouvait à peu près au centre du cratère de Korolev, une modulation flûtée émanait du nord est du cratère, et s’étendait sur l’ensemble des 440 km qui constituait le diamètre de cette zone mal connue. La destination de la modulation avait été clairement définie à la surface de la terre : coordonnées, 25° 21’ S 131° 05’E, Uluru… Autrement dit Ayers Rock, un immense rocher au centre de l’Australie dans le Territoire du Nord. Situé près de la petite ville de Yulara, à 400 km d’Alice Springs. Deuxième plus grand monolithe du monde, avec ses 348 mètres, il était composé de grès incrusté de minéraux comme le feldspath et de particules de fer oxydées, sa couleur rouille à l’aube ou au crépuscule était hallucinante. C’était un rocher sacré pour les Aborigènes d’Australie, lieu de sources, mares, cavernes et peintures rupestres. Point central de la spiritualité Anangus, royaume du serpent arc-en-ciel Yurlungur… Lui qui dormait dans l’un des bassins du sommet…
Le docteur Wenten Possum Tjapaltjarri crypto zoologue, spécialiste du Transfert possédait donc également une énorme qualité : il était le premier voyageur de l’espace d’origine aborigène… Pouvoir lui était donc accordé pour donner une explication plausible au chant du cratère…

01 janvier 2032 – Cratère de Korolev –Face cachée de la lune…

La sensation était nouvelle… La solitude… Il y avait des mois qu’il n’avait pas repensé à la solitude où il avait trouvé des centaines de questions bien souvent sans réponses… Il avala lentement sa salive et releva que son organisme réagissait favorablement, qu’il continuait d’évoluer rapidement dans le cratère, le petit véhicule à coussins d’air manipulé avec précaution, tandis que le projecteur blanc jalonnait son périple.
Il scruta l’horizon proche, enfin, ce qui ressemblait à un horizon et fut pris d’un trouble obscur. Parfait, parfait, se força-t-il à penser, il se peut que je sois stressé. Trop de tension nerveuse. Le mental était une mécanique fragile, n’est-ce pas ? Il pouvait s’enrayer au moment où l’on s’y attendait le moins…
D’un mouvement souple, il déploya l’antenne du détecteur. Si je perds le signal, se rassura-t-il, je n’ai qu’à naviguer à vue, je ne dois plus être très loin, la modulation est de plus en plus forte… Je me dépêche de prospecter, sereinement, j’appelle la base Mandela et… Le regard de Wenten se figea sur l’avant, à dix heures par rapport à sa position.
Un grognement presque indiscernable monta dans son casque. Je ne vois pas cela… Non… Je ne vois pas cela…
Sur le bord intérieur du cratère, à quelques mètres d’un amas rocheux, une structure complexe et organisée se détachait du fond ocre pâle, Wenten se souvenait de ses notes, le contenu de ce cratère avait été photographié par Lunar Orbiter le 24 novembre 1966. La forme était largue comme la moitié d’un terrain de football . Si ce n’était pas une illusion d’optique, comment expliquer l’existence d’une sorte de cylindre planté, distinctement dans la paroi du cratère et incliné vers le ciel ? Il n’existait aucun arbre sur la lune, encore moins de végétaux géants… Quel phénomène naturel avait pu faire surgir cette structure d’un sol inerte et relativement récent fait de matériaux non consolidés mais solides ?
L’extrémité du cylindre et l’extrémité de l’ombre correspondaient à l’alignement des rayons solaires. L’entré haute de l’artefact était bien éclairée, alors que vu sa position il devrait être dans la pénombre du cratère, le côté non exposé au soleil était enténébré. Sur la partie médiane de l’objet on distinguait une zone de couleur différente… Un ancien astronaute, probablement Stuart Rosa avait déjà vu un phénomène lumineux à la surface de la lune, mais là… La modulation était très puissante, énorme, à la limite du supportable…
Alors que Wenten se trouvait à quelques mètres de l’orifice d’entrée du cylindre, l’onde sonore se fit de plus en plus basse… En un decrescendo lancinant et infiniment lent…
Et puis, d’un coup, le silence se fit…

01 janvier 2032 – Cratère de Korolev – Entrée de l’artefact…

Wenten Possum Tjapaltjarri comprit à cet instant qu’il était devenu fou… Il se trouvait
devant l’entrée d’un tunnel… Plus exactement, le seuil d’un passage… Enorme… gigantesque, l’orifice d’une galerie large de plusieurs centaines de mètres… Un tunnel qui s’ouvrait sur… Une galaxie… Enfin ce qui ressemblait à un autre espace…
C’est à cet instant que la voix ou l’écho d’un langage résonna en lui…
Etait-ce une langue, des paroles, où l’émotion pure d’un d’une pensée douce, tempérée, infiniment sage et calme ?
- Tu es venu… Wenten Possum…
Le propos ne réclamait aucune réponse… À quoi ? À qui ?
- Je peux déjà te dire que Grand-père Kngwarreye va bien ! Il est à la pêche…
L’évocation de son père acheva de le déconcerter… Tout ce voyage pour s’entendre donner des nouvelles de sa famille… C’était complètement dingue… Il lui vint à l’esprit les seules questions possibles et raisonnables qui pouvaient s’imposer en pareil cas.
- Qui êtes-vous ? Qu’êtes-vous ? Que voulez-vous ?
- De toutes les créations, l’homme de la terre, enfin ce que vous nommez la Terre est le plus curieux… Nous sommes… Nous avons toujours été… Et nous serons toujours… Ne te torture pas à envisager ce qui ne peut être mis en équations… Dis-toi simplement que tu as été choisi… Parce que ton peuple est le plus proche de la vérité, enfin de ce vous nommez la vérité… Tu es Aborigène avant d’être scientifique… La spiritualité Aborigène reconnaît la puissance et le caractère secret du monde naturel. Les Aborigènes considèrent que tout ce qui est dans la nature a un esprit, y compris le feu, les rochers et les arbres. Pour vous, le monde à l’origine était gris et uniforme, un peu comme ici. Des créatures émergèrent alors d’un monde souterrain ou céleste puis, en se déplaçant vers la terre, créèrent les montagnes, les vallées, les rivières et toutes les créatures vivantes, ce fut la période du temps du Rêve, où vous peuple Aborigène vous naquîtes. Ce travail accompli, les Ancêtres de la création se retirèrent, mais ils veillent toujours comme forces pouvant intervenir dans la vie des êtres et influencer les éléments…
Wenten réfléchit, la structure était trop formidable pour être d’origine humaine, et il s’effraya de la puissance que dégageait le cylindre, de l’autre côté, des étoiles inconnues brillaient et des constellations définissaient des lois différentes de l’espace naturelle, c’était autre chose…
- Qu’attendez-vous de moi ?
- Que tu deviennes un élève attentif… Depuis quelques décennies votre technologie vous fait toucher du doigt des domaines inconnus… Bientôt, vous atteindrez la puissance de ce que vous nommez des dieux, ce n’est pas sans risques… Il vous faut apprendre, et tu sembles le plus qualifié pour cette mission… Accepterais-tu de nous rejoindre ? Pour un temps… Il ne dépend que de toi…
Wenten considéra la formidable porte, bizarrement une grande quiétude l’avait envahie, ses origines ethniques et sa formation de scientifique lui dictaient sa conduite, et le ton bienveillant du message le rassurait, une minute, il eut la pensée de cet homme qui, il y avait des décennies, le 21 Juillet 1969 à 2 h 56 min 15 s UTC avait été confronté lui aussi à un choix ultime… C'est un petit pas pour un homme, mais un bond de géant pour l'humanité…
Une nouvelle aventure allait débuter pour l’humanité, Wenten Possum Tjapaltjarri inspira un grand coup et en faisant un nouveau pas en avant dit plus prosaïquement :
- Allons-y…
La modulation se fit de plus en plus ample, dépassant les limites de l’univers connu…
Le signal retourna enfin vers la terre, étrange vibration, longue, prenante, irrémédiable…

01 janvier – Parc d’Uluru-Kata Tjuta – Monolithe d’Uluru – Centre de l’Australie…
Grand-père Kngwarreye était au pied du rocher sacré, son ascension était vivement déconseillé à ceux qui souhaitaient respectaient les croyances… Il n’avait nulle crainte pour Wenten, il savait que là où il se trouvait il était en sécurité… La modulation vibrait dans l’air ambiant, au sommet flamboyant d’un rouge somptueux, le bassin où dormait Yurlungur, le serpent arc-en-ciel irradiait d’une lueur irréelle. Sur la face cachée de la lune, une porte venait de se refermer, elle se rouvrirait dans 18 années terrestres, dans le ciel l’astre de la nuit semblait multiple. Les scientifiques blancs définiraient la méprise et la considérerait comme possible. Le phénomène de parhélie peut aussi faire apparaître plusieurs lunes, particulièrement lorsqu’elle se trouve près de l’horizon, ce phénomène n’avait toujours pas reçu d’explication définitive… Mais rien dans cet univers n’était définitif et grand-père Kngwarreye le savait très bien, il convenait pour l’instant aux hommes de cette planète d’ignorer ce qui se passait sur la face cachée de la Lune… Grand-père Kngwarreye soufflait doucement dans son didjeeridoo à l’unisson avec l’étrange modulation…


Dernière édition par le Mer 11 Oct - 12:53, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Auteur : Pascal9   Auteur : Pascal9 EmptyMer 4 Oct - 17:25

Pensées d'automnes

L'automne continue de passer avec souliers
Humides et venteux, défilé de feuilles
valse à travers la brume, les pointes d'or
Vont et viennent, en notes sur coeurs s'échouer

L'automne exprime en profondeur feu de l'écueil,
N'est qu'un voyage vers la tranquillité du for,
Un silence pour prémisse, une graine pour rêveur...
Telle une étoile, le vent en est l'initiateur

L'automne est plus qu'un avant dernier acte,
Il est le soubresaut des pensées, chant des grands
Drus en mélopées depuis racines, l'oiseau chanteur
Par spleen enflammé, phoenix du crachin pacte

L'automne trace son lit, libère tous les élans,
Forge ses fleurs de terre, il est un peintre
Qui use toutes les couleurs de toutes ses palettes,
Sans penser au résultat, l'abstrait, le bariolé en fête

L'automne continue sa marche sur un cintre,
Des pensées en sont en corps à l'été languissant,
D'autres se font déjà glaciales... Ah ! ce temps...
Ineffable… bond fait remous, fait son courant...
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MessageSujet: Re: Auteur : Pascal9   Auteur : Pascal9 EmptyMar 10 Oct - 22:10

La chanson de Korolev…


« Le destin mêle les cartes et nous jouons »
Arthur Schopenhauer

Ile artificielle, Nelson Mandela, large de l’Angleterre…
31 décembre 2031. Un hiver banal, semblable à des milliers de ses prédécesseurs. L’air vif transfigurait en univers technicolor les différents emplacements aménagés pour la transition, des nuées de techniciens parcouraient le tarmac, des véhicules de toute nature filaient sur le béton. Dans le Noyau, les Omniscients basculaient dans la fébrilité à mesure que le Transfert s’annonçait. Presque 00 H 00, un cycle de plus qui se terminait. Dans quelques instants, ce serait l’immobilisation totale, les machines, les hommes, le vent même – dans quelques instants ce serait le Transfert.
Assis dans l’appareil, Wenten Possum Tjapaltjarri parcourait du bout des yeux une série d’écrans de contrôle, ajustant les derniers paramètres à la projection en cours. Quand il eût terminé, il leva les yeux vers le chronomètre. C’était presque le moment. Il se harnacha avec un soupir, et s’installa confortablement tout en ayant une pensée pour son père qui l’attendait, là-bas… A la frontière de la Tasmanie. Puis il se concentra, plaça ses membres inférieurs et supérieurs dans les alvéoles du siège et ferma les yeux… Les chiffres de l’heure inéluctable s’inscrivaient en hologramme sur la verrière…
00 H 00… Transfert…

Le monde avait changé depuis la première décennie du 21ème siècle et l’exploitation de
la planète Mars par la Chine. L’empire Céleste avait déconcerté le reste de la planète, en lançant la première ses vaisseaux vers la planète rouge…
La technologie du Transfert avait révolutionné les voyages dans l’espace… La translation n’était plus du domaine de la physique, mais ce n’était pas le moment d’une explication, peu nécessaire, d’ailleurs… L’innovation la plus marquante de la Nouvelle République Populaire de Chine avait été d’associer à son essor spatial la plupart des pays neufs… Ces nations que l’on qualifiait de sous-développé au siècle précédent…
Le choix du docteur Wenten Possum Tjapaltjarri n’était pas d’ailleurs totalement gratuit, outre ces fonctions de Crypto Zoologue, il était le plus apte à résoudre le fait qui troublait la plupart des gouvernements…
Le Transfert nécessitait un relais sur la lune… Un calcul précis des données étant recommandé… L’astre de la nuit avait été la première phase d’une conquête qui semblait se révéler exponentielle. La lune cachait une partie importante de sa surface aux observateurs terrestres. Ceci était dû au fait que le mouvement de rotation qui l’animait se produisait dans le même sens, et le même temps que son mouvement de révolution autour de la terre, cette synchronisation des périodes de rotation et de révolution n’était pas le fruit du hasard, mais résultait en fait de l’action des forces des marées depuis la création du système Terre Lune.
Il avait fallu attendre les années soixante du siècle précédent pour que la partie cachée soit enfin révélée sur des clichés, grâce aux sondes soviétiques Luna et américaines Luna Orbiter… Sur cette face, les cratères y étaient extrêmement abondants et atteignaient une taille extravagante…
Le radio télescope de Nobeyama au Japon avait décelé une anomalie majeure dont l’origine se trouvait à peu près au centre du cratère de Korolev, une modulation flûtée émanait du nord est du cratère, et s’étendait sur l’ensemble des 440 km qui constituait le diamètre de cette zone mal connue. La destination de la modulation avait été clairement définie à la surface de la terre : coordonnées, 25° 21’ S 131° 05’E, Uluru… Autrement dit Ayers Rock, un immense rocher au centre de l’Australie dans le Territoire du Nord. Situé près de la petite ville de Yulara, à 400 km d’Alice Springs. Deuxième plus grand monolithe du monde, avec ses 348 mètres, il était composé de grès incrusté de minéraux comme le feldspath et de particules de fer oxydées, sa couleur rouille à l’aube ou au crépuscule était hallucinante. C’était un rocher sacré pour les Aborigènes d’Australie, lieu de sources, mares, cavernes et peintures rupestres. Point central de la spiritualité Anangus, royaume du serpent arc-en-ciel Yurlungur… Lui qui dormait dans l’un des bassins du sommet…
Le docteur Wenten Possum Tjapaltjarri crypto zoologue, spécialiste du Transfert possédait donc également une énorme qualité : il était le premier voyageur de l’espace d’origine aborigène… Pouvoir lui était donc accordé pour donner une explication plausible au chant du cratère…

01 janvier 2032 – Cratère de Korolev –Face cachée de la lune…

La sensation était nouvelle… La solitude… Il y avait des mois qu’il n’avait pas repensé à la solitude où il avait trouvé des centaines de questions bien souvent sans réponses… Il avala lentement sa salive et releva que son organisme réagissait favorablement, qu’il continuait d’évoluer rapidement dans le cratère, le petit véhicule à coussins d’air manipulé avec précaution, tandis que le projecteur blanc jalonnait son périple.
Il scruta l’horizon proche, enfin, ce qui ressemblait à un horizon et fut pris d’un trouble obscur. Parfait, parfait, se força-t-il à penser, il se peut que je sois stressé. Trop de tension nerveuse. Le mental était une mécanique fragile, n’est-ce pas ? Il pouvait s’enrayer au moment où l’on s’y attendait le moins…
D’un mouvement souple, il déploya l’antenne du détecteur. Si je perds le signal, se rassura-t-il, je n’ai qu’à naviguer à vue, je ne dois plus être très loin, la modulation est de plus en plus forte… Je me dépêche de prospecter, sereinement, j’appelle la base Mandela et… Le regard de Wenten se figea sur l’avant, à dix heures par rapport à sa position.
Un grognement presque indiscernable monta dans son casque. Je ne vois pas cela… Non… Je ne vois pas cela…
Sur le bord intérieur du cratère, à quelques mètres d’un amas rocheux, une structure complexe et organisée se détachait du fond ocre pâle, Wenten se souvenait de ses notes, le contenu de ce cratère avait été photographié par Lunar Orbiter le 24 novembre 1966. La forme était largue comme la moitié d’un terrain de football . Si ce n’était pas une illusion d’optique, comment expliquer l’existence d’une sorte de cylindre planté, distinctement dans la paroi du cratère et incliné vers le ciel ? Il n’existait aucun arbre sur la lune, encore moins de végétaux géants… Quel phénomène naturel avait pu faire surgir cette structure d’un sol inerte et relativement récent fait de matériaux non consolidés mais solides ?
L’extrémité du cylindre et l’extrémité de l’ombre correspondaient à l’alignement des rayons solaires. L’entré haute de l’artefact était bien éclairée, alors que vu sa position il devrait être dans la pénombre du cratère, le côté non exposé au soleil était enténébré. Sur la partie médiane de l’objet on distinguait une zone de couleur différente… Un ancien astronaute, probablement Stuart Rosa avait déjà vu un phénomène lumineux à la surface de la lune, mais là… La modulation était très puissante, énorme, à la limite du supportable…
Alors que Wenten se trouvait à quelques mètres de l’orifice d’entrée du cylindre, l’onde sonore se fit de plus en plus basse… En un decrescendo lancinant et infiniment lent…
Et puis, d’un coup, le silence se fit…

01 janvier 2032 – Cratère de Korolev – Entrée de l’artefact…

Wenten Possum Tjapaltjarri comprit à cet instant qu’il était devenu fou… Il se trouvait
devant l’entrée d’un tunnel… Plus exactement, le seuil d’un passage… Enorme… gigantesque, l’orifice d’une galerie large de plusieurs centaines de mètres… Un tunnel qui s’ouvrait sur… Une galaxie… Enfin ce qui ressemblait à un autre espace…
C’est à cet instant que la voix ou l’écho d’un langage résonna en lui…
Etait-ce une langue, des paroles, où l’émotion pure d’un d’une pensée douce, tempérée, infiniment sage et calme ?
- Tu es venu… Wenten Possum…
Le propos ne réclamait aucune réponse… À quoi ? À qui ?
- Je peux déjà te dire que Grand-père Kngwarreye va bien ! Il est à la pêche…
L’évocation de son père acheva de le déconcerter… Tout ce voyage pour s’entendre donner des nouvelles de sa famille… C’était complètement dingue… Il lui vint à l’esprit les seules questions possibles et raisonnables qui pouvaient s’imposer en pareil cas.
- Qui êtes-vous ? Qu’êtes-vous ? Que voulez-vous ?
- De toutes les créations, l’homme de la terre, enfin ce que vous nommez la Terre est le plus curieux… Nous sommes… Nous avons toujours été… Et nous serons toujours… Ne te torture pas à envisager ce qui ne peut être mis en équations… Dis-toi simplement que tu as été choisi… Parce que ton peuple est le plus proche de la vérité, enfin de ce vous nommez la vérité… Tu es Aborigène avant d’être scientifique… La spiritualité Aborigène reconnaît la puissance et le caractère secret du monde naturel. Les Aborigènes considèrent que tout ce qui est dans la nature a un esprit, y compris le feu, les rochers et les arbres. Pour vous, le monde à l’origine était gris et uniforme, un peu comme ici. Des créatures émergèrent alors d’un monde souterrain ou céleste puis, en se déplaçant vers la terre, créèrent les montagnes, les vallées, les rivières et toutes les créatures vivantes, ce fut la période du temps du Rêve, où vous peuple Aborigène vous naquîtes. Ce travail accompli, les Ancêtres de la création se retirèrent, mais ils veillent toujours comme forces pouvant intervenir dans la vie des êtres et influencer les éléments…
Wenten réfléchit, la structure était trop formidable pour être d’origine humaine, et il s’effraya de la puissance que dégageait le cylindre, de l’autre côté, des étoiles inconnues brillaient et des constellations définissaient des lois différentes de l’espace naturelle, c’était autre chose…
- Qu’attendez-vous de moi ?
- Que tu deviennes un élève attentif… Depuis quelques décennies votre technologie vous fait toucher du doigt des domaines inconnus… Bientôt, vous atteindrez la puissance de ce que vous nommez des dieux, ce n’est pas sans risques… Il vous faut apprendre, et tu sembles le plus qualifié pour cette mission… Accepterais-tu de nous rejoindre ? Pour un temps… Il ne dépend que de toi…
Wenten considéra la formidable porte, bizarrement une grande quiétude l’avait envahie, ses origines ethniques et sa formation de scientifique lui dictaient sa conduite, et le ton bienveillant du message le rassurait, une minute, il eut la pensée de cet homme qui, il y avait des décennies, le 21 Juillet 1969 à 2 h 56 min 15 s UTC avait été confronté lui aussi à un choix ultime… C'est un petit pas pour un homme, mais un bond de géant pour l'humanité…
Une nouvelle aventure allait débuter pour l’humanité, Wenten Possum Tjapaltjarri inspira un grand coup et en faisant un nouveau pas en avant dit plus prosaïquement :
- Allons-y…
La modulation se fit de plus en plus ample, dépassant les limites de l’univers connu…
Le signal retourna enfin vers la terre, étrange vibration, longue, prenante, irrémédiable…

01 janvier – Parc d’Uluru-Kata Tjuta – Monolithe d’Uluru – Centre de l’Australie…
Grand-père Kngwarreye était au pied du rocher sacré, son ascension était vivement déconseillé à ceux qui souhaitaient respectaient les croyances… Il n’avait nulle crainte pour Wenten, il savait que là où il se trouvait il était en sécurité… La modulation vibrait dans l’air ambiant, au sommet flamboyant d’un rouge somptueux, le bassin où dormait Yurlungur, le serpent arc-en-ciel irradiait d’une lueur irréelle. Sur la face cachée de la lune, une porte venait de se refermer, elle se rouvrirait dans 18 années terrestres, dans le ciel l’astre de la nuit semblait multiple. Les scientifiques blancs définiraient la méprise et la considérerait comme possible. Le phénomène de parhélie peut aussi faire apparaître plusieurs lunes, particulièrement lorsqu’elle se trouve près de l’horizon, ce phénomène n’avait toujours pas reçu d’explication définitive… Mais rien dans cet univers n’était définitif et grand-père Kngwarreye le savait très bien, il convenait pour l’instant aux hommes de cette planète d’ignorer ce qui se passait sur la face cachée de la Lune… Grand-père Kngwarreye soufflait doucement dans son didjeeridoo à l’unisson avec l’étrange modulation…
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MessageSujet: Re: Auteur : Pascal9   Auteur : Pascal9 EmptyMar 10 Oct - 22:11

2 décembre, 21 h 13…


1954
Il y a des années, comme ça où rien ne fonctionne. Le mariage, c’est comme une course en montagne. On charge précautionneusement son sac en avance, vers l’itinéraire qui profile ses méandres sur la carte d’état-major, et on ressent une allégresse. Parfois, à la première paroi, on touche l’indicible, la plupart du temps un orage, une galère ou un rhume. Mais, le plus souvent, le panorama s’estompe malgré nos efforts, après une parole malheureuse, une érosion lancinante. Quant aux autres, les optimistes, les bienheureux de l’habitude, ceux qui ont des conseils en bandoulière, des airs entendus, ils dévissent à la première difficulté et dégringolent, en un triste ballet, avec une expression étonnée.
Luc, soucieux, les plans sous le bras, s’en allait à grandes enjambées sur les hauteurs vertigineuses du chantier. Pas le moindre délai. Peut-être était-il fini ? Et puis le terrain ne vaut pas celui de Tignes, c’est entendu. Quand les experts discutent, ils sont terriblement affirmatifs. Au contraire, dans leurs silences, ils entretiennent un doute insaisissable. Ils se laissent observer plus facilement. Et même, grâce aux petits verres du soir, il y a des moments où on les devine terriblement. Luc s’assit sur une pierre pour fumer une cigarette dont il n’avait même pas envie. Il hésitait, par un ultime scrupule. Et puis ! Il était net, avec son rapport d’expertise et sa fierté d’honnête homme. Bien carré, académique, conciliant. Trente-deux ans. Un visage de mercenaire, sous les cheveux en brosse. Il aurait déjà dû faire couler le radier, un jour, deux jours de pénalités ?
- Gressier ?
La voix le tira de sa réflexion. Il n’avait pas entendu. La Jeep était garée en contrebas, comme un chancre sur une peau lisse, rouillée, crasseuse, et l’homme nerveux qui la conduisait n’était pas moins exténué.
- Embarquez, voulez-vous, dit-il.
Luc sauta dans la guimbarde.
- Le radier ?... Il n’est pas coulé ?
- Tout à l’heure, le ciment n’était pas livré.
Déjà la Jeep s’ébranlait, poussive et bruyante. Luc se tenait coi. Du regard, il parcourait le panorama, la voûte, les parois de l’armature pleine de fers enchevêtrés, la longue vallée bleutée qui entaillait la montagne comme une brèche implacable, repoussant sur l’adret et l’ubac, en efforts soutenus par les saisons, les roches, les arbres, l’ancien lit du torrent, le site immuable d’un univers surhumain.
- Vous ne semblez pas être dans votre assiette ? Reprit le conducteur.
Lus le regarda du coin de l’œil. Il portait une grosse chemise de lainage qui le désavantageait et un épais pantalon de toile comme on en voit aux militaires en opération. Il était âgé, de cet âge incertain plein de désillusions, qui exprime toute la fatigue du monde.
- J’ai quelques problèmes familiaux, répondit Luc. Je suis trop souvent absent de chez moi.
- Bon, allons au bureau, nous discuterons de tout cela.
Luc eut très froid, brusquement, dans le cœur et au creux du ventre. On tergiversait.
On voulait éludait pour cette fois encore, une série de problèmes préoccupants, mais d’une façon habile, adroite, comme on passe son tour au poker. Et maintenant, dans cette vallée farouche. Un mois, deux mois ? Un chantier bâclé, précipité, comme un mauvais scénario de film, et le vent fraîchissait, sur ses jours fades, insipides, qui sentaient le vieux grenier moisi.
- Vous connaissez l’ingénieur, Monsieur Coyne ? L’ingénieur en chef.
- J’ai travaillé avec lui à Tignes, c’est un homme très compétent.
- Compétent et lucide, vous savez ce qu’il vient de déclarer à la presse, « De tous les ouvrages construits de main d’homme, les barrages sont les plus meurtriers ». Culotté non ? Le gouvernement n’a pas apprécié…
- C’est un honnête homme, alors, souvent ça dérange…
- Ouais, surtout que l’Etat est à cran, après le désastre de Dien Bien Phu…
- Je sais, mon cousin y est resté…
- Votre femme est ici ?
- Non, elle a un poste de professeur d’Anglais à Bordeaux, elle est du genre sédentaire… Ce n’est pas le beau temps en ce moment… En fait, il pleut depuis bien longtemps…
- Une femme absente, c’est presque une femme envolée, Pas vrai, je n’ai pas ce genre de problème, je suis du genre célibataire endurci… Afrique… Mexique… Pas d’attaches… Ce n’est pas bon dans nos métiers, mon gars…
La voiture vira sur une piste caillouteuse, qui partait à l’assaut d’un plateau, parmi les arbustes du maquis et s’arrêta devant une baraque en tôles. Sous le plateau, la vallée du Reyran brillait d’un éclat pur, le torrent à cette période n’était pas encore en crue, la carcasse du barrage obstruait le paysage d’un écran gris… il serait bientôt terminé… On racontait que jadis, ici même, un bandit de grand chemin détroussait les diligences… Malpasset de sinistre mémoire…

02 décembre 1959 – 18h 57
Les pluies torrentielles déchiraient le ciel du sud. Fréjus semblait se noyer dans la brume. Luc Gressier se mit à remâcher d’inutiles représailles… Ses vacances avaient été catastrophiques, Geneviève était devenue une étrangère, inventant mille prétextes pour s’absenter de l’appartement… Il avait erré dans Bordeaux, solitaire et désoeuvré, pour finir par revenir ici deux jours avant la date prévue…
La gardienne de l’immeuble s’était fait une joie de le renseigner, avec une jubilation proche de l’extase…
- Et bien Monsieur Gressier, vous voilà de retour… Madame Gressier n’est pas avec vous… Il faut dire qu’elle a beaucoup de travail Madame Gressier avec votre métier…Vous n’êtes pas souvent là… Ce n’est pas facile, heureusement qu’elle a l’aide de son cousin, un bien gentil garçon, ce Mathieu… En plus, elle avait la chance qu’il exerce la même profession qu’elle… C’était rassurant de compter sur la famille… Etc… Etc…
La pipelette s’était fait une joie d’allonger son laïus… Ses yeux brillaient littéralement…
Luc avait appris que l’ingénieur André Coyne n’était pas dans une forme exceptionnelle, c’était un homme qui avait énormément donné… Dans la rue, les gens couraient se réfugier sous l’abri illusoire des porches d’immeubles… Des trombes d’eau noyaient les routes et les champs en un spectacle de fin du monde…
Ce n’était pas un soir à rester seul, Luc sortit de son hôtel à la recherche d’un peu de compagnie… Il pénétra dans la brume opaque et bleue d’un bar-tabac proche de la place… Le Café des Sports était bondé.
Elle était assise près du billard. D’un côté, une vie de servitude, écrasée par la répétition du devoir, et vouée au mépris. De l’autre, un homme gris, fatigué, et certain de son infortune. Spontanément, Aude avait tout fait pour éviter le regard du nouvel arrivant. Elle ne croyait plus au coup de foudre, sa vie sentimentale ressemblait à la place, rincée et noyée sous des bourrasques glacées, ses illusions dérivaient comme les feuilles de platane le long des caniveaux…
Dans ce café de province où sont amarrés les intimités élimées, Aude écoute. Luc assure la conversation, déballe ses rancoeurs. La vie est ainsi ! Surtout lorsque l’on échoue un soir quelconque au Café des Sports pour entendre les dernières rumeurs de l’endroit. Ils sont tous satisfaits de refaire le monde, redessiner la carte de la planète avec des avis graves d’arbitres du sordide et de l’éphémère. Aude écoute, c’est ce qu’elle a toujours fait de mieux… Dans le restaurant scolaire où elle s’échine huit heures par jour, personne ne la remarque ni ne sollicite son avis sur la bonne marche du pays… A un moment, elle réalise que Luc lui pose une question…
- Ce n’est pas très loin cela vous passionnerez, j’en suis certain…
Ah oui, le barrage… Il travaille dans les barrages, ce grand marin triste… Dans son inconscient, elle le nomme ainsi, le grand marin triste… Pourquoi la vie lamine-t-elle les êtres comme des galets ? Avec le temps, ils deviennent ronds, lisses, inertes… Bah ! Pourquoi pas après tout, là ou ailleurs,on en a tant parlé à la radio, autant aller le voir de près…

02 décembre 1959 – 20 h 32

Le barrage a déjà plusieurs années. L’inauguration et la mise en eau partielle ont eu lieu cinq années auparavant. Mais le manque de précipitations des saisons suivantes, et des procès sans fin avec un particulier de la région pour contestation d’expropriation ont ralenti considérablement la phase de remplissage.
Lus fait de grands gestes, Luc explique, en racontant, il semble revivre, il s’éloigne de Bordeaux, de Geneviève et de toutes ces années d’incertitudes… Il ne retournera pas à Bordeaux… Il est temps de tourner la page… Aude écoute, comme d’habitude, il est attachant ce marin triste… Bizarre, original avec ses explications techniques sans fin, mais attachant…
A plus de 2 kilomètres de l’ouvrage, le spectacle reste impressionnant… les hommes défient sans cesse et contournent les fantaisies de la nature. Depuis le début de l’année, la Côte d’Azur reçoit des pluies diluviennes, il serait judicieux de faire un lâcher d’eau… La pluie tombe sans discontinuer… Le chantier de la nouvelle autoroute en aval est impraticable, les autorités craignent que les piles du pont nouvellement coulées ne tiennent pas…
Luc se souvient des expertises, il sait que le barrage et très peu épais, en fait c’est le barrage le plus mince en Europe, c’est un choix technologique… Cela ne pose pas de problème particulier, l’essentiel est que l’ouvrage puisse s’appuyer solidement sur le rocher…
Le rocher, quoique de qualité médiocre, est solide… Mais Luc revoit la série de failles sous le côté gauche du barrage, à cet endroit la voûte ne repose pas sur une assise homogène… Luc se rappelait avoir fait le parallèle entre l’ouvrage d’art et sa vie sentimentale… Comme le barrage, son couple avait été miné par des failles, des non dits, des doutes sans fins… En un instant, Luc comprend… Saisissant la main de Aude, il s’éloigne à grand pas vers la Peugeot de l’hôtel… Autour d’eux les éléments se déchaînent de plus belle… Il se retourne, et là, il comprend, oui, il découvre son avenir…
La voûte du barrage de Malpasset fait entendre un sinistre craquement, sourd, rauque, énorme… Une vague de 40 mètres de haut se rue dans la vallée du Reyran à la vitesse de 70 km/h écrasant tout sur son passage…Dans 20 minutes, elle atteindra Fréjus et se jettera dans la mer…
21 h 13…
Geneviève corrige des copies, assises sous la lampe de banque verte… Il pleut sur Bordeaux, la journée a été maussade, Mathieu ne viendra pas ce soir… Il est à une réunion politique, les remous de la République arrivent jusqu’ici… Absorbée dans son travail, elle ne remarque pas le bruit d’impact, ni la vitre du salon qui s’étoile brusquement … Un craquement sec… Distraite une seconde, elle écoute… Hausse les épaules, et replonge le nez dans ses cahiers… Le réveil de cuivre indique :
21 h 13…
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MessageSujet: Re: Auteur : Pascal9   Auteur : Pascal9 EmptyMar 10 Oct - 22:12

Chroniques du Houtland.



Le 4 octobre 2006.
Si tu as de la peine… Ecris…



« La vie en elle-même est une toile vide, elle devient ce que vous peignez dessus. Vous pouvez peindre la misère, vous pouvez peindre la folie, cette liberté est votre splendeur. » Osho Rajneesh
Je parcours en sourdine ma cité bouillonnante ;
Pourquoi participer à l’infinie parade
Du quotidien spectacle ?
Dans les marges douillettes des rives du canal
J’imprime les traces infimes de mes pas retenus …
En automne, les berges libérées ont des allures d’errance…
Dans le lointain brumeux, les rumeurs vrombissent…
Mes complices captifs ont égarés les clefs…
Longs vers d’acier puants rampent sur le goudron
Avaleurs d’existence… Bouffeurs de liberté…
Vous transformez le ciel, les visages…
Masques de cire, autrefois humains…
Parqués dans les musées blindés des villes titanesques,
Les catacombes de nos désirs…
Mes complices captifs…
Eteignez l’écran pâle, brisez les néons glauques,
Toxiques…
Parcourez en sourdine vos cités
bouillonnantes…

Le mois d’août 2006, quelque part en ville, le 23…
Nos vies sont des périples, des voyages sinueux ou linéaires, tortueux ou paisibles, le plus souvent rectilignes et mornes, comme les rails du chemin de fer, longues parallèles qui me fascinaient lorsque j’étais enfant… Les vies sont des dédales et des accumulations de petits riens et la mienne ne fait pas exception… Je vais avoir quarante-sept ans cet automne, le 12 novembre pour être plus précis… Et je suis mort… Enfin, professionnellement, cela s’entend ainsi… Jadis, une chanson de Félix Leclerc affirmait que la meilleure façon de tuer un homme, c’est de le payer à ne rien faire… C’est un usage fréquemment employé dans nos sociétés démocratiques, débonnaires et prodigues… En fait, professionnellement… Je me suis déjà fait tuer plusieurs fois dans le grand jeu de rôles de la société économique occidentale, la première fois, c’était il y a une quinzaine d’années… Longue détention au placard à balais pour cause de mauvais esprit… Enfermées dans un réduit, les grandes g….s sont étouffées et leurs grognements se font ignorer… Il faut ménager la machine et préserver les futurs arrivants… Les illusions s’entretiennent dans le marché aux esclaves…
Je suis comme ces vieux schooners… Peintures défraîchies, démâtés plusieurs fois, mais je flotte encore, et même que j’aime ça… Flotter… Comme beaucoup de mes petites et de mes petits camarades, j’ai maintenant des nuits en pointillés, et cette nuit, je repensais aux photos des vacances de l’été moribond, à la fantaisie débridée de mes filles… C’est cela ma réponse… J’ai pris des coups de canon sous la ligne de flottaison, mais… J’ai aimé… J’aime… Et je suis certain que je suis aimé… Alors, pour une vieille coque, c’est un bilan plutôt sympathique.
J’arrive maintenant à un tournant, un de plus, et comme j’ai le gouvernail un peu raide (c’est pas le pot, ça, hein… Avec l’âge les raideurs se déplacent, je parle de l’esprit bien entendu… Non seulement il est raide mais il est mauvais…. AH ! L’esprit d’équipe… Une équipe, un esprit, disait notre Coluche… Encore un qui nous manque, tiens…) il faut que je négocie la vague, je n’ai plus beaucoup de temps pour manœuvrer efficacement… Mais je peux déclarer que dans mon introspection de quadragénaire bien mûr, j’ai parcouru pas mal de chemin quand même… Parce que même si je ne sais pas encore ce que je veux, je suis certain désormais de ce que je ne veux plus …
Je suis en état de sevrage, cette seconde partie de l’année et ce début d’année à venir. Je dois apprendre à me libérer de la pression sociale, revendiquer mon état de paresseux, de dilettante, de rêveur, d’être enfin le flâneur de ma propre vie… Apprendre enfin à démontrer qui je suis véritablement. Apprendre à cesser de vouloir changer le monde, qui est finalement très bien comme il est… Après tout qu’il se débrouille… Je l’avais prévenu, il n’écoute personne… Cultiver cette élégance du désespoir qui s’appelle l’humour, et surtout apprendre à rire de moi-même, la dérision au service de l’homme… Dieu est un petit malin, finalement, il a tout prévu, même d’accepter le fait de vieillir… Jean-Louis Trintignant dit que la vieillesse est un naufrage. La catastrophe est plus supportable quand on coule en riant… Je suis certain que le capitaine du Titanic n’a pas pensé à cela… Quelques contrepèteries à bord des chaloupes… Et il fait tout de suite moins froid… Non ?

A ceux qui penseraient que je trempe mon clavier (on ne peut plus dire tremper sa plume…) dans le fiel pour régler mes comptes… Qu’ils se rassurent… La rancœur comme l’amertume font partie des émotions et des choses épuisantes et empoisonnées de mon existence, et dans le cadre de mon « sevrage », elles n’entrent plus en ligne de compte… Non, j’écris, parce que finalement, je ne sais faire que cela, et que comme flotter… Ecrire… Est encore une chose que j’aime… Tant pis pour vous, après tout, vous n’êtes pas obligé de me lire…
Et puis… La quarantaine passée a ceci de reposant, c’est que même si l’on est tenté, on est plus forcé de prouver à tout le monde ce que l’on vaut, ce que l’on est capable de faire, non… On arrive à cette période de la vie assez fabuleuse où l’on peut commencer à faire les choses par plaisir et uniquement pour le plaisir… Ca aussi, ça fait partie du traitement… Apprendre une certaine forme d’égoïsme en donnant du temps au temps. J’avoue que sur ce coup là, évidemment, je suis devenu un privilégié, du temps, en magasin et prêt à l’emploi, je ne peux pas dire que j’en suis dépourvu, et j’ai même un peu peur qu’à terme, cela risque d’énerver mon entourage… Elle est quand même là, la formidable bêtise de notre époque, sous-payer des gens harassés de boulot mais maintenir en poste des gens qui n’ont plus rien à faire et leur fermer la gu… avec un traitement confortable… C’est plus un salaire, cela devient un hold-up mensuel…
Bon alors, par quoi, je commence… J’arrête de me plaindre (Humm… Difficile ça… Je vais essayer…), je continue à marcher dans la ville… Pour l’instant, à défaut d’autres lieux… La marche, c’est vraiment devenu un loisir de feignant… C’est qu’il faut en avoir du temps à tuer pour avoir l’indécence de se servir de ses pieds en pleine semaine… Et puis, j’essaye de « vanner » et de prendre les choses à la légère, c’est l’histoire d’un fou qui repeint son avenir…
D’habitude, ces chroniques ont un ton moins personnel, mais après tout, j’écris ce que je suis, je suis ce que j’écris. Ce n’est pas une chose très banale… Nous sommes toutes et tous humaines et humains (enfin presque...
J’en vois quelques uns près de la porte, là-bas… Je me demande…)
Efforçons-nous de ne pas l’oublier trop souvent…

« Quand vous parlez d’un chemin, où êtes-vous maintenant ? Et où voulez-vous aller ? »
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MessageSujet: Re: Auteur : Pascal9   Auteur : Pascal9 EmptyLun 30 Oct - 12:17

Forum : Les joies de l'écriture
Sujet: Heure d'hiver... Dimanche 29 octobre à 15:16
Auteur : Pascal9



Heure d’hiver…



Le silence des anciens au creux des jardins d’automne
Les pelouses laquées de bruine, les futaies qui saignent
Et sur le mur le crépitement ultime des guêpes moribondes.

Ici se dessinent les jours à venir
Ici coule le ciel des branches aux racines
Parmi la terre sans odeurs
La torpeur laminant les foudres de juillet.

Bancs de pierre au bord de la vieillesse
Vous attendez demain…
Je veille, gardien du square des brumes.
Occupé à sarcler les souvenirs jaunis.

Octobre vit – il a vécu
Matin de pluie devient crépuscule
Novembre, sombre passant, parsème les sentiers d’or pur
Traces cuivrées du clair-obscur…

Le silence des anciens au creux des jardins d’automne
Bancs de pierre au bord de la vieillesse
Vous attendrez… Demain…
_________________
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MessageSujet: Les soleils de Bruges   Auteur : Pascal9 EmptyDim 5 Nov - 23:37

Les soleils de Bruges.


Récit d’un peintre flamand



A l’époque lointaine où je prenais pension chez maître COQUELAERT, je passais des jours entiers dans les venelles de Bruges sans me lasser, guidé par mon ami Savinien et par mes pinceaux. De temps à autre, le capitaine de la Poudrière passait à notre logis pour y déguster un flacon de vin vieux ou, alors je recevais quelques bonnes amies de la cité bourgeoise. Pour mon malheur, c’était de prudes matrones, silencieuses à force de dévotions, ayant peu le goût du badinage et ne sachant pas d’autres vérités que celles inculquées par l’évêque. Ces vérités, il faut bien l’avouer, étaient forts sinistres et raides comme le col empesé de ces championnes de vertu.
Aussi, chaque trimestre, lorsque je voyais cahoter, sur la route de Gand, la verdine de TAZARI apportait les nouvelles du monde extérieur, et que j’apercevais, courant à ses côtés, les trois charmantes filles du bohémien et l’éclat de son bonnet rouge, j’étais véritablement enchanté. Je me faisais raconter les histoires des provinces environnantes, les alliances, les bruits de guerre… Je dois le confesser, ce qui me plaisait davantage était de contempler le minois des trois donzelles. Un clair de lune n’était pas plus joli que ces fraîches pucelles, les plus agréables visages à vingt lieues aux alentours…
Sans trop me mettre en évidence, je demandais si elles voyageaient souvent à l’étranger, en France par exemple, si elles connaissaient les cités d’Italie. A ceux qui me jugeraient sur ces marivaudages, moi misérable apprenti de maître COQUELAERT, je rétorquerai que j’étais âgé de dix-sept ans et que ces diablesses étaient ce que j’avais contemplé de plus joli dans ma courte existence.
Or, un vendredi de la semaine de Pâques où je flânais près de la porte Nord, il se trouva qu’elles n’arrivèrent point. Matines sonna et je me dis « c’est la faute du blocus du Roy de France ». Puis, dans l’après-midi arriva un gros équipage de soldats espagnols. Je pensais alors que le père TAZARI n’avait pu se mettre en route, empêché par les préparatifs de guerre qui s’annonçait de plus en plus imminente. Enfin, sur le moment des vêpres, le soleil étant plus bas sur l’horizon, je vis parmi le déploiement des troupes et le fourmillement des cavaliers casqués, la guimbarde du bohémien, aussi brinquebalante qu’à l’accoutumée. Malheureusement, nulle donzelle ne l’accompagnait. C’était… Uniquement notre vieil homme au chapeau rouge, marchant tranquillement parmi les escadrons et les officiers emplumés, tout content d’arriver à la ville et de pouvoir s’y reposer.
La guerre était proche, les filles en sécurité chez des amis de sa tribu. Le vieil homme m’apprit tout cela en buvant une chopine. Il n’arrivait que ce soir car en chemin, il avait eu maille à partir avec la soldatesque soupçonneuse. A le voir si gaillard, avec son bonnet à grelots, son gilet de moutons et ses bottes de cuir de Cordoue, il avait plutôt l’air d’être épris d’une riche veuve que d’avoir bataillé son passage dans les chemins boueux. Ah ! Le finaud vieillard ! Ses yeux ne faisaient que luire de me contempler. Il était vraisemblable que je n’en saurais pas davantage. Parfois, le soir, quand les chevalets étaient rangés dans l’atelier et que je descendais souper à l’office, maître COQUELAERT nous contait les légendes qui couraient sur les bohémiens, mi-magiciens… mi-charlatans… Et maintenant, que le vieux TAZARI était là, devant mes yeux, je n’étais pas loin de penser que mon maître avait raison.
Quand il eut vidé son verre, TAZARI se mit à regarder anxieusement autour de lui. Soulevant légèrement le rabat de cuir du cuir qui pendait à son côté, il brandit une fiole, observa mon attention, la déboucha et en répandit quelques gouttes sur la table. Tout cela l’amusait prodigieusement.
- « Alors, te voilà bien perplexe, mon pauvre apprenti ? Comme je te vois languir de savoir ! Sais-tu ce que c’est ? Non, bien entendu… A ton avis ? »
J’avais envie de lui rétorquer :
-« Je ne suis pas l’un de vos chalands crédules ! »
Et je n’aurais pas eu tort ; mais, ma curiosité était si forte que je ne pouvais pas seulement prononcer le moindre mot. Je pense qu’il s’amusait de mon trouble et que ce sacripant jubilait en son for intérieur de retarder le moment de me dévoiler ses tours.
- « Petroleum… L’huile de pierre, ceci en est un esprit raffiné… Je l’ai obtenu à un Perse pour son poids d’or, c’est un liquide fabuleux… »
Et lui-même, en me parlant, avait l’air ému, avec l’œil brillant et la lippe humide qui faisait de son visage, une apparition fantastique.
-« Ecoute, Jeune apprenti : ce distillat mélangé à des teintes superbes que je t’ai apporté, safran de chine, terres merveilleuses de Mongolie, te permettra d’avoir un liant, une texture et un éclat non encore égalés. »
- « L’huile de lin existe fort bien à ce jour d’aujourd’hui ? »
- « Oui, mais non la brillance que t’apportera ceci, tiens !
Prends et ne me remercie pas, tu me remercieras lorsque tu seras devenu toi-même un grand et puissant maître. Salut ! Apprenti ! »
Et le voilà envolé, emportant ses récits fabuleux…
Alors qu’il disparaissait par une étroite ruelle, il me sembla que les objets trônant sur la table me disaient déjà les merveilles qui allaient s’accomplir. Je les contemplais longuement, et, jusqu’à la fin de cette nuit, je restai comme abasourdi, n’osant rêver davantage de peur de faire pêché d’orgueil.
Vers l’heure rose et mauve des matines, comme la lumière de la plaine commençait à se couvrir d’or et que les bourgeois se pressaient, devisant de draps et de transports en se rendant à l’hôtel des Echevins, j’entendis qu’on m’appelait d’une fenêtre près du canal. Je vis apparaître notre bohémien, non plus énigmatique, ainsi que la veille, mais souriant et joyeux d’aise, de contentement, de bien-être. Il semblait qu’au bas de la rue, il avait retrouvé la veuve en question, et qu’en voulant chercher un logis, il avait trouvé l’amour. Le piquant, c’est que la dite commère, n’était en fait pas veuve du tout, c’était la femme d’un négociant naviguant pour l’heure vers le Portugal.
Cette idée de vivre en sédentaire amusait énormément le vieux galopin, surtout grâce à la belle humeur de son hôtesse. Moi, je trouvais cette idée neuve plutôt téméraire :
- « En vérité, maître TAZARI, le prévôt vous fera pendre !
Diable de bohémien… Ce n’est qu’un mauvais tour de plus à votre actif ! ».
Et je montai vite le rejoindre dans sa mansarde. J’apportai avec moi, un chapon rôti et une bouteille de vieux madère.. Mais notre ami ne songeait ni à se désaltérer, ni à se restaurer, et à considérer la question qui se dessinait sur ses lèvres, je n’avais plus guère faim, moi non plus.
Cependant le jour était au zénith. Il ne restait plus sur la plaine des Drapiers qu’une auréole d’or, un soupçon de topaze aux yeux des dentellières. Je voulus que notre repas se passât dans la joie. Ayant étendu sur la table de chêne une belle nappe toute blanche, je l’invitai à festoyer, et j’allai m’asseoir à l’autre bout…
La Vierge m’est témoin que malgré l’angoisse qui m’étreignait le ventre, aucun pacte diabolique ne fût signé, rien qu’une immense envie de peindre dans ce coin de cité, tout près de la cathédrale qui nous regardait vivre. Le soleil éclairait les canaux les multipliant en une multitude d’exemplaires – comme si mille soleils de Bruges – donnaient de rouge reflets. Jamais le ciel ne m’avait paru si âpre, les tours si pointus…
Tout à coup, le pinceau retomba et le vieux TAZARI recula. Il ne pouvait pas croire, les reflets faisaient chanter la toile en séchant ou claquaient dans les tons. Il disposa le châssis à la lumière. Voyant cela, je lui posai la main sur l’épaule, j’attendais son avis, et nous restâmes debout l’un près de l’autre, sans parler. Si vous n’avez jamais imaginé la perfection, vous ignorez qu’à l’image peinte, un mélange de lumières se substitue dans l’harmonie et la paix. Alors les teintes chantent bien plus vives, des drapés s’envolent attirés vers les ombres. Toutes les nuances de l’huile vont et viennent librement, et il y a dans la matière des épaisseurs, des changements imperceptibles, comme si l’on découvrait la profondeur s’amplifier, le paysage reculer. Au jour, c’est la vie toute bête, mais sur la toile, c’est la résurrection des choses inertes. Lorsque nous ne possédons pas la clef de ce mystère, c’est effrayant… Aussi notre vieux bohémien était tout tremblant et serrait ma main fortement. Un temps, le cri d’un rameur, parti du canal qui coulait au bas de la venelle, monta vers nous en chantant. Au même instant, le soleil roula par-dessus l’horizon dans la direction du couchant, comme si la toile que je venais de peindre portait ombrage au seigneur du jour.
-« Qu’as-tu accompli là ? Mon fils ? » Me demanda TAZARI à voix basse.
- « Les soleils de Bruges, vieux camarade ! » Et je fis le signe de la croix…
Il se signa également, et resta un moment pensif, très perplexe… Puis, il me dit :
- « Mon fils, tu ne dois montrer ce tableau à personne, tu risques le tribunal de l’Inquisition, ne penses-tu pas qu’il faudrait le détruire ? »
- Nullement, vieil homme. Ici, nous vivons en dehors des
grands courants, et nous ignorons tout de ce qui se passe en Italie et vers la Perse ! »
Il regardait toujours l’huile fraîche, le menton dans la main, entouré de lumière comme une image céleste.
- « C’est prodigieux ! Criant de vie ! Jamais je n’ai contemplé si prompt et si bel ouvrage… Tu pars, apprenti ? »
- « Mais oui, TAZARI… Tiens ! Je pars à l’instant chez
mon maître COQUELAERT. Il doit de rendre demain chez le Bourgmestre. Il lui offrira le tableau, ma foi, quelle belle carte d’introduction. Avec ses pouvoirs, ce sont les mannes de la ville qui vont me tomber dessus. On me nommera peintre officiel de
la place et je travaillerai sur le même pied d’égalité que le vieux maître ! »
- « Malheureux garçon ! C’est au bûcher que tu iras ! »
- « Mais non, pauvre vieux fou ! »
Et comme j’essayais de lui expliquer ma future notoriété. Je perçus
quelque pensée mélancolique chez mon vieil ami.
Mon tableau sous le bras, je dévalais l’escalier.

*

La verdine roulait vers LILLE, en chemin, nous rencontrâmes d’importants corps de troupes.
Installé à l’avant, je réfléchissais aux conditions de mon départ. La veille, mon arrivée chez maître COQUELAERT s’était soldée par des lamentations et des plaintes sur la durée de mon absence. A la vue du tableau, le vieil artisan s’était précipité chez les échevins en m’accusant de pactiser avec le malin.
Le capitaine de la Poudrière qui était l’un de mes amis se trompa délibérément de quartier, ce qui me donna l’occasion de rejoindre TAZARI et de fuir les tortures de l’Inquisition.
Nous roulions vers l’aventure, l’un pensait à sa bonne fortune laissée à BRUGES, l’autre à son avenir à FLORENCE.
Le tableau était tapi au fond d’une malle chez l’échevin, il resterait enfermé là, encore de longues, très longues années…
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MessageSujet: Flanders Field   Auteur : Pascal9 EmptyDim 12 Nov - 19:01

Flanders Field



Ils ondulent aux pieds des collines d’Artois, des bosses rousses de Flandre…
Au pas cadencé… Le carnaval grotesque…Ecarlate et cruel
Markus, Joseph, Hans, Wilfried… Et la boue qui colle aux semelles comme un regret trop lourd…
Certains rient, d’autres fument…
La sueur coule, glacée… Sous les capotes ignobles
Chaque regard perdu raconte une existence
Ils ondulent aux bords déchirés des lèvres du monde…

Nous n’en parlions jamais…

Avant d’aller rejoindre les camarades évaporés dans les méandres du temps…
Ses silences absolus voilaient son regard d’azur…
Il a l’œil bleu horizon me disait Grand-mère…
Sous les capotes ignobles…

Avant d’aller rejoindre les camarades après quelques décennies d’attente…

Nous n’en parlions jamais…

Apprenti et tâcheron, fantassin et miséreux… Ouvrier et gueux…
Une vie fracassée, ses vingt ans au rebut comme un vieux chiffon rouge…
Il a l’œil des grands soirs me disait le père…
Dans les fabriques anthropophages…
La fatigue coule, poisseuse… Sous les hardes usées…

Nous n’en parlions jamais…

Ils reposent aux pieds des collines d’Artois, des bosses rousses de Flandre…
Aux rythmes ampoulés… Les fanfares de novembre… Incongrues et cruelles…
Félix, Eugène, Gustave, Momo le Guinéen… Et le vent qui se tait comme une révérence…
Certains parlent, d’autres songent…
Le coquelicot flamboie, écarlate… Sur les champs délavés…

Flanders Field

Nous n’en parlions jamais…
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Pascal
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MessageSujet: La porte des hommes mondes   Auteur : Pascal9 EmptyDim 26 Nov - 20:08

La porte des hommes mondes.

Au commencement… Dans les embruns… La première impression fugace
Contrée des artifices
A la frontière des certitudes
Palpite la machine utopie…

Elle va sillonner les pentes du tangible.
Au centre de la voie étroite
Quatre gardiens veillent …
Et ma malle de chimères subit la fouille méthodique…

Moment de doute…
J’échappe à la pesanteur

No man’s land des ivresses
Mes yeux parcourent l’horizon
Et distinguent une lueur lointaine

Moment de désarroi…
La perspective se brouille
Détalent mes illusions
Ultime pensée nostalgique
Pour l’ancienne terre
Mes amours, mes amis investissent les quais vaporeux
Ombres dansantes et aériennes
Ultime regard en arrière
A-t-elle hurlé la sirène du départ ?

Odeur de pluie
Les rails s’enfoncent dans la colline
Tendent leur vigueur mécanique
Et laisse entendre leurs chants hostiles

Odeur de terre
Une fanfare spectrale sur la place des ténèbres
Mes yeux cherchent d’autres yeux
Mon voyage est singulier
Destinations inaudibles d’une gare inconnue…

Odeur de sang
Dans un claquement de bottes
Se fige la machine barbarie
Dans le souffre du ciel
Chaque minute je contemple la face du destin


Métal, huile chaude, sifflements et vapeurs
Au carrefour de mes mémoires éreintées
Tous les visages s’effacent pour ne me laisser
Que le tien



Fin des temps
Quelques tours de roues grinçantes
Arrêtez-vous nuages…
Sur l’ancienne terre,
Peintres, sculpteurs, modeleurs du réel
Défilent trois par trois en procession muette
Laissent leurs cœurs à la consigne
Tous sont dans le ventre de la machine bestiale

Odeur de folie
Sur l’ancienne terre,
Ne subsistera que l’ombre d’un espoir
Sans sursis…

Souvenirs éphémères
Une chanson d’amour un soir de juillet…
Chaïm Soutine est laminé
Pour avoir entrouvert la porte des hommes mondes
Max Jacob le suit, ses couleurs ternies, son regard arraché…

La machine adore le gris des cendres et le brun des chemises…

Sur l’ancienne terre il y a des enfants
Le chroniqueur s’endort épuisé mais paisible
Affûte sa plume mais rêve à des demains
Invente en songe un monde débonnaire
Avec des chats dodus et des trains de vacances…

Sur l’ancienne terre
On n’écrit pas ordre nouveau mais frère d’aventures
Et l’on se soucie de l’infiniment simple
Le soleil
Un sourire
La douceur d’une main…

Au terminus… Dans les exhalaisons… Le dernier sentiment d’angoisse
Je serre dans ma main le petit mouchoir bleu
Les flammes couvrent les certitudes
La machine Moloch siffle un air ignoble
Que restera-t-il de l’ancien monde ?
Métal, huile chaude, sifflements et vapeurs…
Tous les visages s’effacent pour ne me laisser
Que le tien

Sur les hommes mondes, les femmes univers, la porte s’est refermée…
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MessageSujet: Dune inconnue.... Je me souviens de la blondeur...   Auteur : Pascal9 EmptyMar 28 Nov - 19:59

Dune inconnue… Je me souviens de la blondeur…


Derrière l’école de voile, la mer mugissait dans le vent frais du début de l’aube.
C’était une brise parfumée des senteurs de l’automne, qui s’engouffrait dans les rues du bourg, chargée des effluves d’une marée qui montait à l’assaut des dunes fauves et pâles, remparts millénaires d’une sentinelle éteinte ou assoupie…
La demie de sept heures approchait : Au loin, de l’autre côté de l’eau, sous la danse effrénée des nuages d’altitude, une lueur rose commençait à monter.
En la voyant, depuis sa fenêtre, le grand Sam examina plus attentivement l’embarcation qu’il avait ramenée au sec sur le môle désert avant de rentrer. Comme il en avait traversé des marées ce Zodiaque qui rôdait d’ordinaire sur le détroit au rythme des saisons ! « Encore une sortie… » Pensa-t-il en levant tout à fait sa grande carcasse raidie du lit de sangles, héritage fatigué d’un surplus militaire.
Une sortie de plus. Une sortie qui s’ajoute à toutes celles d’un exil qui compte près de cinq ans, et qui déjà s’estompe aussi, comme cette marée de septembre bouillonnante du grand chambardement des vagues dans le matin blafard. Une existence bien réglée, sans autre plaisir que celui de pêcher et peut-être de la joie toute simple de peindre, de regarder la lumière, le ciel et la mer, sans penser aux jours anciens pour ressentir la volupté sombre et frelatée de la nostalgie, sans jamais montrer plus d’angoisse qu’il ne faut pour traverser les semaines, les mois, l’existence…
Ce qu’il redoutait, seulement Sam, c’était ce souvenir qu’il n’arrivait pas à refouler, et dont il avait rêvé longtemps, très longtemps. Chaque jour, depuis qu’il se levait avec l’aube, qu’il regardait par la fenêtre dans la lumière feutrée d’une veilleuse, il pensait à cette femme. Il lui parlait, il lui contait à mi-voix de menus faits, il la voyait même dans le ciel changeant du large.
Il en était ainsi, puisqu’il ne la reverrait jamais. C’était trop tard. Le sort ne l’avait pas permis. Et ses jours s’enfuyaient comme l’écume mousseuse sur les algues du rivage. Il les sentait partir au large doucement, malgré lui, journée après journée, sortie en mer après sortie en mer. Les jours qui fuyaient vers l’horizon, les nuits ponctuées par le halo du port de Dunkerque qui veillait sur le travail des hommes. Le temps qui inclinait sa voile vers un continent dont il n’avait plus peur. De quoi aurait-il dû avoir peur ? De qui ? Peut-être de lui-même, tout simplement. Il avait tracé sa route sans se retourner et en s’efforçant de ne blesser personne. Il avait vécu comme il avait pu, comme la plupart des hommes sur cette terre, qui apprennent très tôt que le monde n’est pas une propriété, un prêt temporaire à court terme, tout au plus…
De l’autre côté de la rue, la lumière s’alluma dans cette clarté douce qui semblait la véritable couleur du jour. Eh ! Il y avait peu de monde en ce moment, plus d’enfants, la saison était terminée depuis plus de quinze jours. La chaude saison estivale avec ses gamins qui gambadaient sur la digue, ses glaces en cornets, pastels frais et odorants. Les soirées douces à la terrasse du café Popieul, à raconter toujours les mêmes histoires de mer… Simplement, cette année, il ne referait plus le monde avec son vieil ami Serge Contesse, le vieux bougre était parti peindre ses drôles de personnages sous d’autres cieux, sur une autre voûte… On se croit mèche, on n’est que suif… Chantait l’autre… N’empêche, ces départs successifs lui laissaient un sale goût d’amertume dans la bouche, comme la première bière du jour…
Igor, l’épagneul, n’aimait pas la belle saison, la plage n’était plus son domaine. Il n’avait plus le droit d’y paraître, il ne lui restait plus que le jardin, insuffisant à son besoin d’indépendance. Septembre annonçait le retour des galopades effrénées sur le sable, le furetage délicieux dans les dunes, flairer la laisse de mer à marée basse, la vie…
Humant l’odeur du café, le petit chien roux s’étira et vint se lover contre son maître.
- « Te voilà, vieux compagnon… »
Le chien remuait la queue, c’était là toute sa conversation et cela suffisait amplement à Sam. Il avait quelqu’un à aimer, c’était déjà beaucoup si l’on voulait que l’existence de temps à autre soit un peu plus supportable.
La bouilloire chantait sur le gaz de camping, et, sur la table trônait un immense bol bleu. La cheminée ronflait tranquillement, séchant doucement l’humidité des murs. La fraîcheur s’annonçait tôt sur la côte.
Sam sortit dans l’aube légère qui exhalait paisible une haleine salée, le petit matin était doux comme le baiser d’une femme aimée. Comme chaque jour, il regarda au loin, vers l’ouest qui embrassait tout l’horizon, puis il s’appuya à la barrière de bois peinte en bleu.
Il était maintenant presque levé, le soleil de septembre, et il lui semblait déjà plus brillant que d’habitude, celui-là.
Il en avait le pressentiment : ce vendredi, certainement, arriveraient des nouvelles du monde d’avant, de vagues amis, perdus de vue depuis longtemps, de ceux qui avaient essuyé des revers du destin, alors que tant d’autres réussissaient tout avec une chance insolente… Il y avait une invention qui en parlait tout le temps…. Cela s’appelait la télévision, enfin, c’est ce qui se disait… Sam voyait souvent passer en été une dame de la télévision, madame Jenny Clève, il la saluait d’un signe de tête, et elle lui répondait d’un grand sourire…. Par ses connaissances de bistrot, il avait appris qu’elle était une bonne actrice et passait régulièrement sur la chaîne régionale…. Sam n’en avait cure, il n’avait pas la télévision, mais cette dame aimable lui rappelait sa mère, et rien que pour ce souvenir heureux, il lui en était reconnaissant…
Autrefois, il existait une autre vie. Des hommes pleins d’énergie et d’appétit dont les projets fusaient au-dessus des conventions, comme pour témoigner de la persistance de la jeunesse et de son obstination face aux hommes des cités. Aujourd’hui, il n’en restait plus qu’un… Un rescapé de l’apparence… Un naufragé sortit indemne de l’océan du clinquant et du superficiel… Une existence différente, plus âpre, plus sauvage ou naturelle, se cachait au creux des dunes…
Une fois la transformation accomplie, les amis avaient commencé à s’éloigner, c’était il y a longtemps, dans un autre monde. Sam s’était arrangé pour les oublier, maintenant il n’en éprouvait même plus le besoin, c’était terminé, c’était trop tard. Les anciennes soirées de lumières illusoires, de dîners plantureux s’évanouissaient lentement sous la poussière de sable et les saisons. Personne ne s’était manifesté, toutes ces conversations oiseuses s’étaient tues, définitivement…
Mais ce qu’il comprenait difficilement, Sam, c’est que sa famille ait pu l’oublier et effacer d’un trait celui qui savait si bien raconter une histoire, organiser une fête à la campagne dans les prés, faire des vacances d’été, un moment magique, s’occuper des malheurs des uns et des vicissitudes des autres. Et vivre, tout simplement vivre la vie, qui, depuis sa plus tendre enfance, avait été celle de sa tribu. S’il avait eu des frères, des sœurs, lui ! Oh oui, il en avait eu… Jadis, il aurait été certain qu’ils seraient venus là, pour l’accompagner dans sa solitude, comprendre et lui tendre la main, quand la raison vacille, subitement, sans prévenir, et que se ramène la crainte de la mort tapie dans l’ombre…
Il ne les voyait jamais ses frères, ni sa sœur encore vivante. Il avait appris le décès de son aînée des mois plus tard, dans un vieux journal, en allumant le feu… Ils ne s’étaient jamais revus…


L’éclat de son regard s’était adouci, certains esprits chagrins diraient terni, mais, ce n’était pas là le terme exact. Il n’y avait ni rancune, ni aigreur dans ses pensées, il n’aspirait plus qu’à la paix, il avait vu trop de gens aimés disparaître autour de lui pour pouvoir encore éprouver de la colère. Non, tout cela aussi était terminé, il éprouvait tout simplement une lassitude pour lui-même teintée d’une grande compassion pour ses semblables.
Non, ils ne viendraient pas. Personne ne viendrait boire le café matinal où partager un plat de crevettes grillées, fraîches pêchées… Certes, il avait bien failli se remettre en ménage, au début, mais il avait décidé qu’une femme dans sa maison, c’était maintenant une femme de trop. Alors, il s’était persuadé de laisser partir Marie. Elle se trouvait peut-être à Lille, Paris, Panama ou dieu savait où, elle avait l’esprit nomade Marie… Ce grand vide qu’il sentait en lui, parfois, le rendait comme stupide, terrassé, surtout le soir, au crépuscule quand il rentrait de la pêche. À ce moment magique où il aurait voulu faire à quelqu’un de cher, le cadeau merveilleux d’un coucher de soleil sur la digue.
Ce coucher de soleil, il ne l’offrait à personne. Il ne servait à rien, sinon à gueuler dans le vent montant, des bouts de phrase, des flèches d’ombre : Reviens !
Et pourtant, il était persuadé Sam, qu’il y avait dans le vent marin venu d’Angleterre, dans le clapotis du ressac, sur les dunes blanches, dans le ciel frais du matin au-dessus de la petite ville endormie, plus de joie, plus de trésors qu’aucun homme n’en amasserait jamais. Mais il savait aussi que la paix n’existe que si elle est acceptée.
Il haussa les épaules. Dans son dos, le chien tournait sur lui-même, à la poursuite de sa queue. Il retourna dans la cuisine après avoir jeté un dernier regard vers le bateau pneumatique qui s’offrait consentant à la marée.
Vers la Belgique, le vent montait doucement. La silhouette d’une jeune femme se découpait sur la digue lumineuse, le souvenir de Marie était présent, tranquille… Sam ébaucha un sourire… D’une inconnue, il se souvient de la blondeur…
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MessageSujet: Du Mont János.   Auteur : Pascal9 EmptyDim 4 Fév - 18:08

Du Mont János.



Train des enfants grinçant sous le ciel de neige

Nez rouge et joues glacées.

L’ouest et décembre se sont estompés

Pour cette fois nous resterons ici.



Dans Buda

Les balcons crâneurs

Qui se penchent sur la rue

Contemplent le ballet, mais se tairont… Toujours…

Le vieux dans l’abribus

Regarde passer sa vie.

Tout est en place rien à redire…



Train des enfants grinçant sous le ciel de cendre

Nez rouge et joues glacées.

Le vent et les souvenirs se sont confondus

Pour cette fois nous resterons ici.



C’est dans Pest endormi qu’il me faudra marcher

Bibliothèque Ervin Szabó

Sous les lambris dorés, je cherche tes empreintes

En vain… Mutisme de la multitude…

Le vieux dans l’abribus soupire…

Une buée légère…

C’est à Kerepesi qu’il te faudra aller

Si tu veux lui parler…

Il ne répondra pas, il ne répond jamais…

Il dort depuis longtemps dans ce jardin fantasque

Au bord d’excentriques allées



Dans Buda

Les balcons crâneurs

Qui se penchent sur la rue

Ecoutent encore un temps les accords de Franz, et se tairont… Longtemps…

Le vieux dans l’abribus

Relis tes mots sculptés… Face au mutisme de la multitude

Attila József… Arpenteur du sensible.



Train des enfants grinçant sous le ciel de neige

Nez rouge et joues glacées.

L’ouest et décembre se sont envolés

Pour cette année, nous partirons d’ici…
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MessageSujet: Re: Auteur : Pascal9   Auteur : Pascal9 EmptyDim 4 Fév - 18:13

Toujours tant de frissons à te lire Pascal... quel bonheur chaque fois... et l'impression de me répéter indéfiniment quand je m'adresse à toi... mais que d'émotion dans tes vers et tes mots...
Merci du fond du coeur ... je crois qu'il va beaucoup plaire à une certaine Chicarica de par ici...

Si tu croises le vieux sous son abribus... salue le pour moi... qui écoute souvent Franz...

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MessageSujet: Re: Auteur : Pascal9   Auteur : Pascal9 EmptyDim 4 Fév - 22:53

Mais qui ce Pascal qui connais aussi bien Budapest.......sourire

hummmmmmmmmm ma ville natale a la quel je réve à y retournée

merci Pascal pour ce petit nostagie merci Contisa de pense amoi

amicalement.........
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MessageSujet: Re: Auteur : Pascal9   Auteur : Pascal9 EmptyDim 4 Fév - 23:03

Je savais bien que ça te pincerait le coeur à l'endroit des souvenirs...

Amitiés Chica!!
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MessageSujet: Re: Auteur : Pascal9   Auteur : Pascal9 EmptyDim 4 Fév - 23:07

Ca ce sur en plus j'ai bien besoin j'ai eux une journée d'enfer

ral bol de plats..........

amicalement............
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MessageSujet: Re: Auteur : Pascal9   Auteur : Pascal9 EmptyLun 5 Fév - 0:13

Souvenirs proches d'un excellent repas chez un certain Sarkozy, un restaurateur de Budapest, où le foie gras et le Tokay sont si bons, de cette rue animée où, avec deux collègues, nous avons croisé des couples de fort jolies jeunes femmes que l'un de mes collègues avait entrepris d'aborder et à qui nous avons été amené à expliquer, écroulés de rire, la nature exacte de l'activité.
De ces thermes chauds où nous avons passé un peu de temps et puis du fleuve géant, près du massif pont de pierre et de métal.

Un seul regret, que la pollution de l'eau soit telle que le bleu ne soit pas le qualificatif approprié pour le beau Danube!
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MessageSujet: Re: Auteur : Pascal9   Auteur : Pascal9 EmptyLun 5 Fév - 10:51

Tes yeux quand tu t'y trouves mon cher Goupil compensent avantageusement j'en suis sûre la splandeur désormais trépassée des couleurs de cette eau...
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MessageSujet: Re: Auteur : Pascal9   Auteur : Pascal9 EmptyLun 5 Fév - 11:27

Pascal j'ai déplacé ton texte sur ton espace galerie.
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MessageSujet: Re: Auteur : Pascal9   Auteur : Pascal9 Empty

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Auteur : Pascal9
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