Nombre de messages : 1155 Localisation : sud ouest Date d'inscription : 30/09/2006
Sujet: LES AMOURS MORTES Lun 7 Mar - 8:44
PREMIERE PARTIE
CHAPITRE 1
J’avais 8 ans quand je la vis pour la première fois.
Mon père venait d’être embauché comme jardinier du château des Hautes Flammes.
Nous venions de Riom, cette petite ville du Puy de Dôme où j’étais né, et depuis que nous étions arrivés dans cette magnifique région du Haut Comtat, il y a quelques mois, mon père ma mère et moi, ne pouvions que nous féliciter de la bienveillance du destin. Mon père avait répondu à une annonce passée dans La Montagne, et je dois dire que ma vie, comme la leur, avait changé du tout au tout.
Le château était situé en pleine campagne à 4 kilomètres de Grillon et une dizaine de Valréas, le chef lieu de canton. J’avais très rapidement fait la connaissance de garçons de mon âge, dont certains, n’étaient déjà plus des copains, mais des amis. On se lie très facilement à cet âge. Durant les vacances, je n’étais que très rarement à la maison (qui d’ailleurs était celle de l’ancien gardien, et n’était pas particulièrement confortable, ni spacieuse). J’avais trois activités principales. Mon jardin, la pêche dans le Lez, et la chasse. En fait, la chasse consistait essentiellement à aller dénicher des nids de geais, dans lesquels, au moment où ils étaient « vouloous »( c'est-à-dire, prêts à prendre leur envol), nous prenions les oisillons pour leur apprendre à parler. Il parait que c’est possible, mais je n’ai jamais eu l’occasion de le vérifier, car nous nourrissions nos captures avec du pain trempé dans du lait, et par une malchance inouïe, nos oiseaux mouraient tous étouffés au bout de deux ou trois jours…..
Je me trouvais un jour dans la grande cour, et dans l’encadrement d’une fenêtre ouverte, au premier étage, je la vis, très droite, immobile, le regard lointain. Elle me paraissait très grande, mince et assez vieille. J’ai su, depuis, qu’elle avait alors 28 ans, mais pour moi, les femmes qui s’habillaient en noir, étaient obligatoirement vieilles. Ma mère portait toujours des robes aux couleurs vives parce qu’elle n’était pas très âgée, alors que ma grand-mère était invariablement en noir.
Lorsqu’elle abaissa ses yeux sur moi, je levais timidement la main pour dire bonjour, et elle ne me répondit pas. J’en ai conclu qu’elle n’était pas polie, et, pour moi, ce jugement resta collé à madame de Lignac, durant des années.
Ce soir là, mon père me dit que je ne devais pas aller dans la grande cour. « Ce n’est pas ta place » me dit-il.
Cette vieille femme non seulement n’était pas polie, mais c’était une rapporteuse. Mon opinion, à son sujet était arrêtée, et je n’avais pas à m’attarder sur cette personne peu intéressante. En revanche, qu’avait voulu dire mon père en me disant que dans la grande cour, « je n’étais pas à ma place » ? Dans mon esprit d’enfant, ce sont les objets qui avaient une place. On mettait les assiettes dans un buffet, un lit dans une chambre, et évidemment, les fourchettes n’étaient pas à leur place dans les WC, ni le lit dans la cuisine. Mais moi ? Pourquoi ne pouvais-je aller jouer dans la grande cour ?
Par la suite, et durant des années, je n’eus aucun contact direct, avec celle que mon père appelait la patronne. De temps en temps, je la voyais lorsqu’elle allait se promener avec son chien, un yorkshire, dans le petit bois truffier, derrière la maison de gardien que nous occupions, mais même lorsque nous nous croisions, je me gardais bien de la saluer, ce dont elle ne s’offusquait pas, son regard passait sur moi sans me voir.
Après avoir passé mon certificat d’étude, la question s’était posée, à la maison, sur ce que l’on allait faire de moi. Un soir, au cours du souper, une conversation eut lieu, entre mon père et ma mère à mon sujet.
Ma mère pensait qu’il faudrait me mettre dans un lycée agricole jusqu’à 16 ans, pour que je puisse rapidement travailler chez un horticulteur par exemple. Sa position était étayée par des observations judicieuses. C’est vrai que j’aimais les fleurs, et que dans le jardin de mon père, un petit coin de 12 ou 15 mètres carrés avait été mis à ma disposition exclusive. Dans mon jardin, il n’y avait aucun légume, mais uniquement des fleurs. J’étais particulièrement fier de mes zinnias, et mon rêve, était de pouvoir un jour avoir des champs à ma disposition, pour cultiver plein de fleurs. La position de ma mère était donc bien fondée.
( A suivre)
nane Moulin à Paroles
Nombre de messages : 10181 Date de naissance : 22/11/1950 Age : 73 Localisation : Val de Marne et Côtes d'Armor Date d'inscription : 14/10/2005
Sujet: Re: LES AMOURS MORTES Lun 7 Mar - 9:48
Une petite diversion... Le titre m'a aussitôt fait pensée à cette chanson...
Pour en revenir à l'essentiel, un jeune garçon qui aime les fleurs, ça s'annonce joliment bien ;)
Anne Administrateur
Nombre de messages : 23616 Date de naissance : 17/10/1957 Age : 66 Localisation : Région Parisienne Date d'inscription : 19/01/2006
Sujet: Re: LES AMOURS MORTES Lun 7 Mar - 12:07
Une jolie histoire je sens, elle débute pleine de douceur, petit regard sur l'enfance et l'adolescence...
aristee Sacrée Pipelette
Nombre de messages : 1155 Localisation : sud ouest Date d'inscription : 30/09/2006
Sujet: LES AMOURS MORTES Mar 8 Mar - 8:47
Mais mon père voyait les choses sous un autre angle. Il estimait de son devoir d’élever son fils unique. Elever, c'est-à-dire, lui permettre d’aller plus haut que ses parents. Entre un jardinier de château et un cultivateur de fleurs, il n’y avait aucune différence. Il fallait donc que son fils, pour devenir un monsieur, fasse des études sérieuses. C’était une évidence pour lui.
Ma mère n’y était pas opposée par principe, mais seulement pour des raisons pratiques. Faire des études, cela coûtait très cher, et ils n’avaient pas les moyens de les payer. Comme ma mère avait un esprit conciliant, elle ajouta, « à moins qu’il puisse obtenir une bourse, évidemment ».
Mon père avait des idées bien arrêtées et n’était pas d’accord. Il estimait que lorsqu’on était boursier, on restait toute sa vie marqué par cette étiquette de pauvre. D’une voix tranchante, mon père conclut : Mon fils fera des études, et ne sera pas boursier.
Ma mère le regarda en secouant la tête. Je vis bien qu’elle estimait son mari atteint par la folie des grandeurs. Lorsqu’elle lui répéta qu’ils n’avaient pas les moyens de faire de telles dépenses, mon père lui répondit qu’il avait une idée, et la conversation s’arrêta là.
Je n’avais pas dit un mot durant le repas, mais j’avais suivi attentivement la conversation qui me concernait au premier chef, et je me creusais la tête pour essayer de deviner quelle était l’idée de mon père.
Moi, je trouvais que la proposition de maman n’était pas idiote, puisque j’aimais semer et m’occuper des fleurs pour m’amuser, je pouvais aussi bien faire ce travail pour gagner ma vie.
Il me semblait que l’idée de papa, de faire de moi quelqu’un de plus haut que lui, était bizarre, et pour tout dire, incompréhensible. Pourquoi être plus haut que lui ? Il n’était pas malheureux, lui ! Jamais je n’avais entendu mon père se plaindre de son travail, alors pourquoi devrais-je pour « m’élever » faire quelque chose qui ne me plairait pas ?
Bien sûr, j’ignorais quelle était l’idée qui avait traversé l’esprit de mon père, mais comme je ne comprenais pas très bien ce qu’il voulait, je n’étais pas tranquille. Le doute est toujours…. redoutable, c’est évident.
Dans notre famille, c’était papa le chef. Maman avait le droit de dire ce qu’elle pensait, mais la décision était prise par lui, et c’était toujours sans appel.
Le lendemain soir, en nous mettant à table, je vis bien que mon père était satisfait, et cela me fit peur. Cela me fit peur, car je savais que si mon père était content de la solution trouvée, moi, je ne le serais sans doute pas. Mon sort était certainement arrêté, et j’allais l’apprendre très vite. Pourtant, peut être pour donner plus de solennité à ses propos, mon père attendit la fin du repas pour dire à ma mère quelle solution il avait trouvée pour moi.
Lorsqu’il dit :
- Marie, tout s’arrange pour le petit !
Outre mes craintes d’un départ de la maison, je trouvais parfaitement anormal qu’il s’adresse à ma mère, alors que c’était de moi qu’il s’agissait, mais que pouvais-je faire ? Il était le maitre.
- Pierre va pouvoir continuer ses études. J’ai parlé de lui à la comtesse de Lignac (Tiens ? Il ne l’appelait plus la Patronne ? C’était sans doute pour valoriser la grâce qu’il avait obtenue) elle veut le voir, et semble d’accord pour lui payer ses études.
Une révolte subite me fit crier :
- Je ne veux pas que cette dame me paye mes études ! Je ne l’aime pas !
Extrêmement surpris pas ma vive réaction, mon père se reprit rapidement pour asseoir son autorité.
- Tu feras ce qu’on te dira de faire, Pierre. Tu n’as pas l’âge nécessaire pour avoir une opinion. C’est moi qui sais ce qu’il y a de mieux pour toi. Il faut que tu fasses des études, et madame la comtesse, dans sa grande bonté, veux bien prendre en charge tous tes frais de scolarité. Je te présenterai à elle, demain, dans la matinée. Tache d’être bien habillé, poli, et tu la remercieras, pour sa grande générosité.
Je ne répondis pas, mais je n’en pensais pas moins intérieurement : « Elle peut courir ! Cette bonne femme ne me regarde même pas quand on se rencontre. Je ne veux pas qu’elle me donne quelque chose. »
Et puis, je ne comprenais pas très bien la différence qu’il y avait entre des études payées par une bourse, dont mon père ne voulait pas entendre parler, et des études payées par « La Patronne ». Décidément, les grandes personnes sont souvent bizarres, même mon père, que je prenais pourtant pour un homme plein de bon sens.
Devant mon mutisme, mon père conclut que j’étais redevenu raisonnable, et ajouta :
- Tu comprendras plus tard, combien tu lui seras redevable pour l’aide qu’elle t’apporte.
Ouais ! Ca m’étonnerait ! En tout cas, je ne pourrai pas couper à la présentation à la patronne, demain matin, de celui dont on voulait faire un petit singe savant, et je me promis in petto, de ne pas travailler à l’école, pour qu’elle ne puisse pas être contente, d’elle ni de moi, et cesse rapidement de nous faire l’aumône.
Le lendemain matin, je partis m’occuper de mes fleurs dans « mon jardin », Et lorsque mon père vint me chercher, je n’étais pas lavé, ni bien sûr habillé, ce qui me valut une paire de claques, et un coup de pied aux fesses, que j’évitais de justesse en détalant, mes mains en protection de mon derrière.
Malgré ma résistance passive vers 10 heures trente, j’étais propre comme un sou neuf, et habillé de mon « costume du dimanche ». Ce tour de force avait été réalisé par ma mère qui, de son côté, avait reçu les remontrances sévères de son mari, pour ne pas avoir su inciter son fils, à se préparer sérieusement à cette entrevue, quasiment historique pour la famille.
J’étais bougon, et mon père avait du prendre ma main pour me trainer vers le château, où nous avons été reçus par le majordome. Il nous fit attendre dans une pièce trois fois plus grande que la totalité de notre maison d’habitation.
Lorsqu’il revint nous dire « madame la comtesse vous attend » mon père me reprit par la main, ce que je trouvais ridicule pour un garçon de 12 ans. Juste avant de franchir la porte à double battants de la pièce dans laquelle se tenait la comtesse, je réussis à libérer ma main, et j’entrais derrière lui, un peu impressionné malgré tout, chez celle que j’appelais « la bonne femme » quand je pensais à elle.
Je fus obligé de convenir que cette puissante dame n’était pas très, très vieille, qu’elle était plutôt jolie, de plus merveilleusement habillée, et qu’elle sentait très bon, ce qui était d’une grande importance pour moi, car j’ai toujours eu l’odorat très développé.
Elle échangea quelques mots avec mon père. Je ne me souviens plus de ce qu’ils ont dit, tant j’étais absorbé par la contemplation de cette femme qui décidemment n’était pas aussi horrible que je ne me l’étais figuré.
Elle tourna ses yeux vers moi, et me dit.
- Tu t’appelles Pierre, je crois ? Approche mon petit !
Les yeux baissés, à petits pas, affreusement gêné, ce qui me rendait en même temps furieux contre moi, je vins m’arrêter devant la dame, qui me posa sa main sur la tête, et me dit :
- Ne crains rien, jeune garçon, lève les yeux vers moi.
Je le fis timidement et elle ajouta en regardant vers mon père :
- Très brun aux yeux verts, votre fils sera un très bel homme.
Puis, elle se tourna vers moi, et se penchant un peu avec un gentil sourire, elle me dit :
- Je crois Pierre, que tu as été un bon élève en primaire, et que tu as obtenu ton certificat assez facilement. J’ai parlé de toi avec ton instituteur. Il serait dommage de laisser cette jeune intelligence en friche. Ce serait bien que tu poursuives tes études. As-tu déjà une idée sur ce que tu voudrais faire plus tard ?
Je savais que mon père serait furieux de ma réponse, mais je ne pouvais mentir à cette grande et si gentille dame, aussi lui ai-je répondu dans un souffle :
- J’aime les fleurs, madame.
- C’est un très bon signe, mon petit. Même si tu ne t’occupes pas de fleurs plus tard, à titre professionnel, ton amour des fleurs prouve que tu as l’âme poétique.
J’étais à la fois admiratif pour l’intelligence de cette femme, qui en quelques mots avait analysé mon caractère, et absolument charmé de savoir que j’avais « l’âme poétique » ( A suivre)
aristee Sacrée Pipelette
Nombre de messages : 1155 Localisation : sud ouest Date d'inscription : 30/09/2006
Sujet: LES AMOURS MORTES Mer 9 Mar - 8:53
Décidement, en quelques secondes, je revenais totalement sur mon jugement. Elle était belle, elle n’était pas très vieille, elle sentait bon, elle était très gentille, et très intelligente. Pour les études qu’elle voulait me faire suivre, je ne savais pas très bien si elle avait raison ou non, mais pour l’instant, ce n’était pas le plus important. J’étais sous son charme, et manifestement, elle était un être qui n’avait rien de commun avec mon père, ni même avec ma mère, ou toutes les amies de ma mère que je connaissais.
Je me demandais comment je l’appellerai quand je penserai à elle. Certainement pas La Patronne, ni madame la comtesse. J’optais pour la Grande Dame.
La Grande Dame dit à mon père qu’il pouvait aller faire son travail, et qu’elle allait garder « le petit Pierre pour un peu faire connaissance avec lui ».
Elle me tendit la main que je prenais sans trouver cette fois, comme avec mon père, que c’était ridicule.
Elle m’emmena dans un petit salon, et me fit asseoir dans un fauteuil extraordinaire. Ses pieds, au lieu d’être droits, comme ceux de tous les sièges que j’avais vus, étaient galbés, avec des sculptures et des couleurs. Je jugeais cela d'un suprême chic, et c’est du bout des fesses, que je m’assis respectueusement sur cette œuvre d’art.
- Ne sois pas timide, mon petit. Je voudrais que nous parlions un peu. Voyons….A l’école, quelle est la matière que tu préfères ?
- J’aime bien quand on nous demande d’écrire une histoire, je n’aime pas beaucoup le calcul, mais j’ai quand même de bonnes notes.
- Tu es donc plutôt littéraire, mais comme tu es intelligent, tu parviens à suivre en mathématiques.
Décidement, cette femme était elle-même très, très, intelligente. Je disais quelques mots, et cela suffisait pour qu’elle me connaisse. De plus, elle me disait des choses très agréables à entendre, et je fus très fier d’apprendre que j’étais un littéraire, en plus des autres qualités qu’elle venait de découvrir.
Avec la couleur de mes yeux et de mes cheveux, j’allais être très beau quand je serai grand, de plus, j’ai l’âme poétique, et je suis un littéraire. Je venais en quelques minutes de prendre à mes yeux, une valeur considérable !
Elle me posa de nombreuses questions sur ma vie à la maison, sur mes gouts culinaires (Je n’avais pas compris exactement le sens de ce mot, mais je l’avais deviné par le contexte, ce qui prouvait bien que j’étais intelligent, comme l’avait dit la Grande Dame).
Elle me fit parler de mon jardin, et je lui parlais longuement de mes zinnias, et des soins que je leur donnais, en particulier le dosage et la fréquence des arrosages.
Plus je parlais, comme je voyais que ce que je disais l’intéressait, je prenais peu à peu de l’assurance, et je m’étais plus confortablement installé dans mon fauteuil, ce dont elle sembla s’apercevoir, car je vis sur ses lèvres un petit sourire, peut être un peu moqueur, mais que je ne trouvais pas désagréable du tout.
Il était midi lorsque je suis revenu à la maison, avec plein de choses nouvelles dans mon cœur. Grâce à la Grande Dame, j’avais plus appris sur moi dans une matinée, que durant tout le début de ma vie.
La première chose qui me frappa, lorsque je pénétrais dans notre maison, c’était qu’elle était laide, et trahissait la pauvreté.
Dès que nous nous sommes trouvés attablés, mon père me questionna sur la conversation que j’avais eue avec « La Patronne »
C’est avec grand plaisir que je relatais les remarques qu’elle avait faites, en insistant particulièrement, tout en prenant un air modeste, sur tout ce qu’elle avait pu me révéler sur mes grandes qualités.
J’étais servi par le fait que mon père était encore là quand elle avait dit que je serai plus tard un très bel homme. Tous les propos laudatifs que je me plaisais de rapporter avec une certaine exagération, devenaient en conséquence crédibles à ses yeux. Et puis, les compliments que l’on faisait sur son fils, rejaillissaient un peu sur lui, et il était tout disposé à les considérer comme fondés
Habituellement, durant les repas, la conversation se déroulait entre mon père et ma mère, ma contribution se bornait à demander du pain ou du sel.
Ce jour là, j’étais la vedette, et mes parents n’étaient que des spectateurs admiratifs.
J’ai bien aimé cette nouvelle répartition des rôles. ( A suivre)
nane Moulin à Paroles
Nombre de messages : 10181 Date de naissance : 22/11/1950 Age : 73 Localisation : Val de Marne et Côtes d'Armor Date d'inscription : 14/10/2005
Sujet: Re: LES AMOURS MORTES Mer 9 Mar - 9:03
Que va lui proposer La Grande Dame comme études ?
Anne Administrateur
Nombre de messages : 23616 Date de naissance : 17/10/1957 Age : 66 Localisation : Région Parisienne Date d'inscription : 19/01/2006
Sujet: Re: LES AMOURS MORTES Mer 9 Mar - 12:08
J'aime le ton de cette histoire comme je l'ai dit elle est très fraiche, la fierté d'un petit bonheur, la découverte d'un autre monde et on divine sans mal l'éveil à l'amour platonique non ? Aristee ?
aristee Sacrée Pipelette
Nombre de messages : 1155 Localisation : sud ouest Date d'inscription : 30/09/2006
Sujet: LES AMOURS MORTES Jeu 10 Mar - 8:45
CHAPITRE 2
Une semaine plus tard, lorsque mon père vint se mettre à table, je vis qu’il était satisfait. En effet, avant de commencer le repas, il plongea la main dans sa poche, en sortit une liasse de billets de banque qu’il jeta négligemment sur la table, et s’adressant à sa mère, il lui dit :
- La Patronne veut que le petit soit habillé comme les enfants de la ville pour la rentrée. Je compte sur toi pour lui acheter de beaux vêtements, car je pense qu’elle voudra le voir avant son départ pour le lycée.
Puis, s’adressant à moi, il ajouta.
- Tu sais, Pierre, des patronnes comme ça, il n’y en a pas beaucoup, tu dois la respecter, et lui être reconnaissant de tout ce qu’elle fait pour toi.
Pour commencer, bien sûr, il va falloir la remercier. Demain, tu viendras avec moi. Tâche d’être bien propre, bien poli, et tu lui diras que tu es heureux et reconnaissant pour tout ce qu’elle fait pour toi. Compris ?
J’avais compris, mais à vrai dire, j’étais agité par des sentiments divers. Evidemment, j’étais follement heureux d’avoir bientôt des vêtements neufs et élégants, pour être au niveau des enfants de riches. Mais mon bonheur était terni par cette sacrée obligation d’aller dire merci à la Grande Dame.
Je sentais confusément, que remercier, c’était s’abaisser, or, depuis la révélation de mes grandes qualités, de la valeur que j’étais persuadé posséder, je trouvais dommage d’avoir à le faire. Dans ce mélange de sentiments, il y avait un autre élément qui avait son importance. J’étais très heureux de revoir la Grande Dame. Comment ne pas l’aimer, elle qui m’avait dit et prédit tant de choses agréables. Je me demandais même si elle serait heureuse que je vienne la remercier. Cela risquait d’abimer l’image qu’elle avait de moi, non ?
Cependant, j’avais suffisamment d’objectivité pour savoir que toutes mes réticences au sujet de ce fameux « merci » étaient inutiles. Mon père voulait que j’aille remercier La Patronne, donc, je devais le faire, point final. Je me promis seulement d’avoir l’air le plus dégagé possible, et le moins humble que je pourrais.
Je n’avais pas encore les beaux vêtements, puisque ma mère avait décidé que nous irions faire les achats le samedi suivant, mais avant de partir au château avec mon père, je « me fis beau », ce qui consistait essentiellement à me laver bien à fond, même le dessous des ongles, de dompter ma chevelure un peu sauvage, et surtout de réaliser une raie bien droite, sur le côté droit, et qui me donnait, c’est en tout cas ce dont j’étais persuadé, une allure de jeune homme, très sérieux, très élégant, et de famille aisée. Je suis même allé, pour la première fois, jusqu’à emprunter à maman son spray de laque, car avec ce sacré mistral, qui justement semblait très en colère ce jour là, je risquais d’être dépeigné, et il ne fallait pas que le moindre détail me dévalorise aux yeux de la grande Dame.
J’avais préparé dans ma tête, un petit discours de remerciement que j’avais répété plusieurs fois pour le connaitre par cœur. Ce laïus, à mon avis très bien tourné, n’avait que de lointains rapports avec l’humilité. Je m’étais efforcé de ne pas employer le mot « merci », me contentant d’être reconnaissant, ce qui, je le pensais fortement, sauvegardait ma dignité, et serait amplement suffisant pour être simplement poli, sans être humble.
Malheureusement, j’ai été très déçu, car je n’ai pu placer mon petit laïus. D’emblée, la Grande dame me dit :
- Je sais que ton père, a du te demander de venir me remercier, mais je t’en dispense. Cela me fait plaisir de t’aider parce que je pense qu’il serait dommage de ne pas exploiter et mettre en valeur tes qualités.
Je te demande seulement de venir me voir avant de partir au lycée, et chaque trimestre, de m’apporter ton bulletin pour que je suive tes études, et tes progrès. Maintenant, va, et profite de tes derniers jours de vacances.
Elle me tendit la main, je m’approchais d’elle et elle posa un baiser sur mon front, ce qui me fit rougir, et m’emplit de confusion.
Malgré mon discours rentré, je ne lui en voulais pas. C’était quand même une Grande Dame !
Ma mère et moi, sommes allés, le samedi suivant, faire des courses que je trouvais bien agréables. La Grande Dame avait été généreuse, et nous avons pu acheter des vêtements chers, que je jugeais suprêmement chics.
J’ai tenu à garder sur moi, tous ces nouveaux vêtements, et c’est un jeune garçon qui aurait pu servir de couverture à un journal de mode qui revint à la maison. Mon père lui-même, pourtant habitué à voir de belles choses, car s’il y avait peu de visiteurs au château, ils étaient tous de la bonne société et élégants, mon père, donc, a marqué le coup, en me voyant.
Je voulais me mettre à table avec mes nouveaux vêtements, mais mes parents se liguèrent pour s’y opposer, estimant que je risquais de me tâcher. Je me rendis à cette raison, mais j’installais mes nouveaux vêtements sur une chaise à côté de moi.
J’aurais préféré aller en classe à Valréas, mais mes parents estimèrent qu’ils perdraient beaucoup trop de temps pour m’emmener et me ramener chaque jour, aussi, ils décidèrent de me faire entrer comme pensionnaire à Orange, et malgré mon trac, à la perspective d’entrer dans un monde tout à fait nouveau, et de ne plus vivre avec mes parents durant la semaine, je n’étais tout de même pas trop malheureux, puisque sur tous les plans, je m’élevais nettement au dessus de mon ancienne condition, et j’allais connaitre un monde nouveau.
La veille de mon départ, et bien entendu, vêtu de mes beaux habits, je vins dire au revoir à la Grande Dame.
Elle m’accueillit avec un grand sourire, et commença par me dire quelque chose que je ne compris pas très bien.
- Tu as un joli costume, Pierre, et tu as belle allure. Mais tu n’es pas encore habitué à ces vêtements, et tu n’as pas la même aisance qu’en tenue de joli petit sauvage, que tu portais d’ailleurs, avec une certaine élégance naturelle. Je suis sûre que tu t’habitueras très vite.
Que voulait dire la Grande Dame ? Il me semblait à moi, qu’entre le petit paysan et l’élégant garçon de la ville, il ne pouvait y avoir de comparaison. Or, elle semblait penser que j’étais mieux avec mes vieux vêtements. Elle était quand même un peu bizarre, quelquefois.
Puis elle me dit, qu’elle comptait sur moi pour bien travailler, ce serait là, la meilleure façon de lui faire plaisir. Je n’eus aucune peine à lui promettre de faire tout mon possible pour être un très bon élève, car j’avais déjà pris tout seul, cette ferme résolution, et je ne faisais qu’exprimer le fond de ma pensée.
Cette fois encore, elle m’embrassa sur le front, mais cela ne me fit pas rougir, car après tout, nous étions du même monde, au moins par l’élégance vestimentaire. ( A suivre)
nane Moulin à Paroles
Nombre de messages : 10181 Date de naissance : 22/11/1950 Age : 73 Localisation : Val de Marne et Côtes d'Armor Date d'inscription : 14/10/2005
Sujet: Re: LES AMOURS MORTES Jeu 10 Mar - 9:27
Il a se frotter au monde de l'internat ! Il va lui falloir un sacré courage pour s'y intégrer !
Anne Administrateur
Nombre de messages : 23616 Date de naissance : 17/10/1957 Age : 66 Localisation : Région Parisienne Date d'inscription : 19/01/2006
Sujet: Re: LES AMOURS MORTES Jeu 10 Mar - 18:35
Il est sur un petit nuage notre jeune homme...
aristee Sacrée Pipelette
Nombre de messages : 1155 Localisation : sud ouest Date d'inscription : 30/09/2006
Sujet: LES AMOURS MORTES Ven 11 Mar - 7:35
CHAPITRE 3
Les années se succédèrent. Je passais d’une classe à l’autre sans aucune difficulté. Je ne revenais à la maison que pour les vacances, et chaque fois, je me faisais un devoir d’aller voir la Grande Dame, devoir que j’exécutais d’ailleurs avec grand plaisir, car je venais toujours avec des bulletins trimestriels élogieux. Elle me manifestait sa satisfaction, et lorsque nous nous quittions, je recevais sur le front le traditionnel baiser.
Non seulement, chaque année, la Grande Dame renouvelait mon trousseau, mais elle donnait une certaine somme qui devait me servir d’argent de poche. Jamais, jamais, elle ne me donna directement un centime. C’est toujours par mon père, qu’elle versait les fonds, certainement pour ne pas blesser ma susceptibilité, et je trouvais cette femme de plus en plus exceptionnelle.
Lorsqu’arriva le temps du baccalauréat, je redoublais d’efforts, pour avoir la quasi certitude d’obtenir le fameux diplôme. J’espérais secrètement une mention, un peu pour mon amour propre, un peu pour flatter l’orgueil de mes parents, mais surtout, surtout, pour faire plaisir à la Grande Dame, et lui prouver que l’argent qu’elle avait versé pour moi, ne l’avait pas été sans résultats concrets, incontestables.
J’obtins mon baccalauréat avec la mention « bien ».
Le lendemain de mon arrivée à la maison, bien habillé et avec une aisance acquise au fil des ans, je vins voir la Grande Dame.
Lorsque je lui dis que j’avais obtenu la mention » Bien », sa joie ne fut pas feinte. Au lieu du traditionnel baiser sur le front, elle me prit dans ses bras me serra contre elle, puis m’embrassa sur les deux joues. Pendant le court instant où nous étions enlacés, je sentis ses seins sur ma poitrine, et ce fut pour moi la révélation, que la Grande Dame, était également une vraie femme.
Depuis qu’elle avait pris en charge le coût des mes études, j’avais beaucoup changé, beaucoup grandi. J’étais maintenant un jeune homme de 1mètre 82 pour 70 Kilos, et je faisais une tête de plus que la Grande Dame, qui, de son côté, je devais le reconnaitre avec objectivité, n’avait, elle, absolument pas vieilli.
Elle avait maintenant 38 ans, mais son visage n’était griffé par aucune ride, sa taille était toujours fine et souple, et je me demandais quelle était sa recette, car si je la comparais à maman, qui avait à peu près le même âge, je devais constater que l’une pouvait paraitre être la mère de l’autre.
La Grande Dame, avait décidé, avec l’accord reconnaissant de mon père, que je devais poursuivre mes études. Comme j’avais opté pour le droit, elle décida de prendre en charge tous les frais qu’allait entrainer l’obtention d’une licence en droit, ou d’une maitrise, selon mon choix.
Cela me gênait beaucoup, malgré mon désir ardent, de lui faire honneur, en obtenant toujours d’excellents résultats.
Quelques jours avant mon départ pour Aix en Provence, où je devais loger à la cité universitaire et débuter des études de droit, mon père me dit :
- La patronne m’a demandé si tu connaissais bien les champignons. Je lui ai dit oui, et elle m’a demandé si tu voulais bien aller en chercher avec elle demain matin, car en dehors des chanterelles, elle n’en connait aucun autre. Je lui ai répondu à ta place, que tu étais d’accord, parce qu’avec tout ce qu’elle a fait, et va faire pour toi, tu ne peux pas lui refuser le premier petit service qu’elle te demande.
Mon père n’avait pas à se fatiguer pour m’expliquer où était mon devoir, car j’étais vraiment heureux de sortir avec elle, et, pour une fois d’être celui qui pourrait lui apprendre quelque chose.
Nous sommes partis le lendemain matin. Je portais les deux paniers, et lui dis que nous trouverions sans doute pas mal de champignons, car, d’une part, le temps avait été propice ces jours derniers, avec une alternance de pluies et de beau soleil. D’autre part je connaissais un bois qui, tous les ans, me donnait de bonnes récoltes de chanterelles, de grisettes de parme, d’oronges, de clavaires (appelés ici crête de coq) et de cèpes de bordeaux.
La grande dame me dit qu’elle n’était jamais allée chercher des champignons, et qu’elle était contente de s’y mettre, même si c’était sur le tard.
Je ne voulus pas commenter son « sur le tard », mais en la regardant je trouvais que cette expression ne lui convenait pas du tout. Elle était vêtue d’un pantalon beige qui la moulait, d’une chemisette blanche qui mettait en valeur sa taille fine, sa magnifique poitrine, et sa démarche vive complétait l’impression qu’elle était une toute jeune femme.
Arrivés dans le bois, je ne tardais pas à cueillir des champignons de diverses espèces comestibles, et, lui donnant l’un des paniers, je lui conseillais de ne ramasser que les champignons que je lui avais fait voir.
En moins d’une heure, nous avions, moi, mon panier plein et elle, à plus de la moitié. Elle était enchantée par notre récolte, et au moment où je lui disais que nous devrions rentrer, car le ciel se couvrait, la pluie se mit à tomber. ( A suivre)
nane Moulin à Paroles
Nombre de messages : 10181 Date de naissance : 22/11/1950 Age : 73 Localisation : Val de Marne et Côtes d'Armor Date d'inscription : 14/10/2005
Sujet: Re: LES AMOURS MORTES Ven 11 Mar - 9:23
Les années passent et les premiers émois arrivent
Anne Administrateur
Nombre de messages : 23616 Date de naissance : 17/10/1957 Age : 66 Localisation : Région Parisienne Date d'inscription : 19/01/2006
Sujet: Re: LES AMOURS MORTES Ven 11 Mar - 12:19
Je le pressentais, une histoire d'amour, les premiers amours ont le sait restent à jamais gravés.
aristee Sacrée Pipelette
Nombre de messages : 1155 Localisation : sud ouest Date d'inscription : 30/09/2006
Sujet: LES AMOURS MORTES Sam 12 Mar - 8:54
Heureusement, je connaissais une borie, en très bon état, et je lui proposais d’aller nous y abriter en attendant l’arrêt de la pluie, violente, certes, mais toujours de courte durée à cette époque, et dans notre pays.
Elle me dit qu’elle avait entendu parler des bories, mais n’avait jamais eu l’occasion d’en voir une. J’avais encore quelque chose à lui apprendre, mais je remis à plus tard les explications, car la pluie tombait drue.
Nous sommes partis en courant, moi devant, pour lui ouvrir le chemin, et nous n’étions qu’à une cinquantaine de mètres de la borie, lorsque je l’entendis pousser un cri. En me retournant, je vis qu’elle avait fait une chute, et gémissait en se tenant la cheville. Je revins vers elle, et lui demandais si elle souffrait. Sur sa réponse affirmative, et comme la pluie devenait de plus en plus violente, sans lui en demander la permission au préalable, je me penchais vers elle, la pris dans mes bras et me mis à courir vers la borie. Les deux paniers restèrent sur place, et je décidais de ne venir les récupérer qu’un peu plus tard.
Tout en courant, je me penchais le plus possible en avant pour la protéger de la pluie, et arrivés devant la porte, je baissais la tête pour entrer dans la borie. Je posais la grande dame sur ses pieds, ou du moins sur un seul, puisque le droit la faisait trop souffrir. Regardant rapidement autour de moi, je lui dis de rester quelques secondes sur sa jambe valide, en s’appuyant contre le mur.
Il y avait là, dans un coin, plusieurs ballots de paille, liés par des ficelles. Je sortis mon couteau, coupait les ficelles de deux ballots, répandis la paille sur le sol, et lui proposais de venir s’asseoir dessus. Elle vint à cloche pied, s’étendit sur la paille, puis, se tenant la cheville, elle me dit qu’elle s’était tordu le pied sur un caillou et qu’elle souffrait sans doute soit d’une entorse, soit d’une fracture.
Très étonnée par la construction dans laquelle nous nous trouvions, elle me demanda quelques précisions. Très fier de pouvoir lui servir de professeur, je lui indiquais que les bories étaient construites uniquement en lauses, c'est-à-dire en pierres sèches. Ce sont des bergers, très pauvres, sans moyen, qui construisaient avec des pierres plates, ces habitations rustiques qui ont un peu la forme de nef. Ils n’utilisaient absolument aucun ciment, aucun arc en bois pour soutenir la voute, et c’est en faisant chevaucher les pierres plates les unes sur les autres, qu’ils parvenaient à bâtir des abris d’une solidité remarquable. Celle dans laquelle nous nous trouvions, dans sa plus grande hauteur devait mesurer plus de quatre mètres, et la surface au sol faisait une trentaine de mètres carrés.
Le Grande Dame ne put malheureusement vraiment gouter tout le charme de cette borie, car elle souffrait beaucoup de sa cheville, et espérait surtout rentrer chez elle le plus rapidement possible.
- Sommes- nous loin d’un chemin carrossable, me demanda-t-elle ?
- A moins de 100 mètres.
- Sais-tu conduire ?
- Je n’ai pas encore mon permis, mais je prends des cours.
- Pourrais-tu conduire ma voiture ?
- Je le pense, madame.
- Bien. Lorsque la pluie s’arrêtera un peu, tu iras chercher ma voiture, car je ne pourrai pas rentrer à pied.
Comme je voulais y aller immédiatement, elle s’y opposa, car la pluie était diluvienne.
Je me demandais ce que je devais faire pour son pied. Devais-je essayer de voir si elle pouvait bouger un peu la cheville, ce qui pouvait exclure une fracture ? Je le lui demandais, et elle me dit qu’elle allait voir ce qu’il en était. En fait, le moindre mouvement lui faisait un mal atroce, et le seul résultat fut que sous la douleur intense, elle frissonna, prise par un coup de froid.
- Vous êtes toute mouillée madame, m’autorisez-vous à vous frictionner le dos ?
- Oui, s’il te plait. Je suis glacée.
Je frictionnais énergiquement son dos, ses épaules ses bras, et ses tremblements cessèrent peu à peu.
- Merci, cela va beaucoup mieux. Même ma cheville me fait un peu moins mal. Dès que la pluie va se calmer, tu iras chercher la voiture. Le garage n’est pas fermé, et la clé de la voiture est sur le contact.
- Je vais y aller, je suis déjà mouillé, alors, un peu plus, un peu moins…Voulez-vous que je vous recouvre de paille, pour que vous n’ayez pas froid pendant mon absence ?
- Bonne idée. Il fait froid ici.
J’ai coupé les ficelles d’un autre ballot de paille, et je la répandis sur elle.
Je ne sais vraiment pas comment cela a pu se produire, alors que j’étais penché sur elle, je perdis l’équilibre, et tombais mon visage sur le sien.
Pendant quelques secondes je perdis entièrement conscience des réalités. Lorsque mon cerveau se remis à fonctionner, j’embrassais les lèvres de la Grande Dame, qui répondait à mon baiser.
Je me mis à caresser son visage et sa poitrine, en étant très conscient de ce que je faisais, mais sans l’avoir voulu. Sa main sur ma nuque, me maintenait contre elle pour que notre baiser se prolonge, lorsque subitement, elle s’écarta de moi, et me poussa. Je suis tombé à côté d’elle. Peu après, comme je faisais un geste pour passer mon bras sous sa nuque, elle me dit en souriant:
- J’ai 20 ans de plus que toi, Pierre, et cela sera toujours comme ça. Reste à côté de moi, ne bouge pas et ne parle pas.
Nous sommes restés plusieurs minutes, côte à côte, immobiles et sans parler. Une question me taraudait l’esprit, et je finis par la poser.
- Pourquoi ne vous êtes-vous pas mariée ?
Comme elle ne me répondait pas, je pensais que ma question l’avait blessée, mais, après un long silence, elle finit par me dire :
- Je me suis mariée à 19 ans.Je connaissais à peine mon mari qui avait été choisi par mes parents.
Mon mariage a duré moins de trois mois. 82 jours exactement. Mon mari buvait. Un soir, au cours d’une rixe, il a été tué. Depuis mon veuvage, il ne m’est jamais venu à l’esprit que je pourrais me remarier. Je m’étais mariée une fois, et, d’une façon simpliste, je ne m’en rends compte que maintenant, je pensais que j’avais droit à un mariage, et c’est tout. Comme une allumette ne sert qu’une fois, j’avais utilisé mon droit d’être une épouse, et maintenant, c’était terminé. Cela peut te paraitre ridicule, mais c’est la vérité.
Vois-tu Pierre, si tu penses quelquefois que tu es mon débiteur, pour ce que j’ai pu faire pour toi, tu peux avoir la certitude, dorénavant, que tu as payé ta dette. Grâce à toi, tout à l’heure, j’ai subitement réalisé que j’étais encore une femme, avec ses droits et ses désirs…..
Elle s’interrompit un moment, puis conclut en riant :
Je vais maintenant essayer de me trouver un mari! ( A suivre)
nane Moulin à Paroles
Nombre de messages : 10181 Date de naissance : 22/11/1950 Age : 73 Localisation : Val de Marne et Côtes d'Armor Date d'inscription : 14/10/2005
Sujet: Re: LES AMOURS MORTES Sam 12 Mar - 9:50
Double douche froide !
Anne Administrateur
Nombre de messages : 23616 Date de naissance : 17/10/1957 Age : 66 Localisation : Région Parisienne Date d'inscription : 19/01/2006
Sujet: Re: LES AMOURS MORTES Sam 12 Mar - 15:17
Oui douche froide, mais bon pas mauvaise quand même la douche, de quoi rêver la nuit doucement au fond du lit.
aristee Sacrée Pipelette
Nombre de messages : 1155 Localisation : sud ouest Date d'inscription : 30/09/2006
Sujet: LES AMOURS MORTES Dim 13 Mar - 8:36
Comme elle se rendit compte que cette conclusion me rendait malheureux, elle ajouta gentiment :
- Allons, Pierre, tu es très jeune. Comme je l’avais prédit, tu es devenu un très beau jeune homme, la vie s’ouvre devant toi, et tu trouveras, j’en suis certaine une jeune femme de ton âge, avec laquelle tu seras heureux. Maintenant, si tu veux bien aller chercher ma voiture, je crois que la pluie s’est arrêtée.
Je me suis levé, le cœur lourd, car je me rendais compte subitement, que j’aimais la Grande Dame, et que j’étais déjà jaloux de ce mari encore inconnu, qu’elle allait se mettre à chercher.
Mais je ne pouvais m’attarder sur mes propres sentiments, j’avais une mission à remplir, et je partis chercher la voiture, que sans trop de difficulté, je parvins à conduire jusqu’au chemin à proximité de la borie.
Comme sa cheville la faisait souffrir, je la pris de nouveau dans mes bras, sans qu’elle proteste, pour la porter jusqu’à l’automobile.
Nous n’avons pas échangé un mot, et lorsqu’elle a été installée sur le siège du véhicule, voyant que j’étais malheureux après sa décision proclamée de trouver un mari, elle me dit en souriant :
- Décidement, Pierre, c’est moi qui te dois beaucoup. Non seulement tu m’as fait prendre conscience que j’étais encore une femme, mais tu me fais l’honneur de m’avoir choisie pour ton premier chagrin d’amour.
Ne sois pas trop triste, pour toi, je suis une vieille femme.
Cette affirmation me parut tellement ridicule, que je ne répondis pas et me contentais de hausser les épaules.
Une vieille femme, avec ce visage lisse et bien dessiné ? Une vieille femme avec ce corps parfait ? Une vieille femme avec cette démarche souple ? Une vieille femme avec ce rire d’enfant ?
Elle n’avait jamais été pour moi, la Patronne, ni madame la Comtesse de Lignac. Mais, elle n’était plus La Grande Dame non plus. C’était Agnès qui était dans mon coeur, et personne ne la délogerait de ce qui était désormais, et pour ma vie entière, sa place naturelle.
Arrivés au château, la servante téléphona à une ambulance pour la conduire à l’hôpital d’Orange afin de faire des radios. Quand à moi, je repartis à pied chercher les deux paniers de champignons restés dans le bois.
Agnès, en définitive souffrait d’un trait de fracture à la cheville. On lui posa un plâtre et elle revint au château le lendemain. Cela, je l’appris par mon père, car je ne me croyais pas autorisé à retourner la voir. Je restais amoureux, bien sûr, mais également furieux contre moi, de lui avoir donné l’idée de se remarier. Pourquoi voulait-elle chercher quelqu’un d’autre ? Elle m’avait dit plusieurs fois que j’étais beau et intelligent. En amour, que vient faire la carte d’identité ? Surtout que dans son cas particulier, la date de naissance ne voulait rien dire, elle était loin de faire son âge.
Trois jours après notre cueillette de champignons, mon père me dit que la patronne m’invitait à dîner pour manger un plat des champignons que nous avions cueillis.
Manifestement, mon père, très surpris, ne parvenait pas à comprendre cette invitation : Nous étions de milieux tellement différents ! Mais il en était très fier, de même que ma mère, qui me demanda « de me faire beau ». Comme si j’avais besoin de ce conseil pour mettre tous mes soins à ma présentation !!!!!
Agnès ne pouvait se déplacer qu’avec des béquilles, et avec ce rire d’enfant que j’aimais tant, elle me dit : Tu vois Pierre, je m’entraine pour me déplacer, quand, dans quelques petites années, je serai vraiment vieille.
Je ne pus me retenir, et c’est véritablement à mon insu que je m’entendis lui répondre :
- Vous êtes bête Agnès, je suis plus vieux que vous.
Je réalisais aussitôt mon impolitesse, et rougis en balbutiant quelques excuses, mais elle continua à rire et constata seulement :
- Hé bien, Hé bien Pierre, on s’émancipe ! Il y a bien longtemps que personne ne m’appelle plus Agnès. Mais cela me fait plaisir, et je t’autorise à m’appeler par mon prénom. Seulement, très sérieusement, il faut que tu sortes certaines idées de la tête. Je t’ai dit que grâce à toi, je me sentais être une femme, mais je serai toujours, pour toi, une vieille amie, et rien de plus. Promets- moi qu’il en sera ainsi.
- Je ne promets que lorsque je suis sûr de pouvoir tenir.
- Bon. Ne promets rien. Le temps se chargera de remettre tes idées d’aplomb.
La veille de mon départ pour Aix en Provence, je vins la saluer. J’avais prévu de rester froid et distant. J’y parvins durant presque toute ma visite.
Nous avons parlé de choses et d’autres. Comme je lui demandais si elle savait pourquoi le château s’appelait le Château des Hautes flammes, elle m’expliqua qu’il avait été construit au XVème siècle, et qu’en 1712, un incendie avait détruit toute l’aile Ouest qui ne fut jamais reconstruite. Les flammes montaient si haut, qu’elles étaient visibles à 15 kilomètres, et c’est de ce jour que ce château fut baptisé des Hautes flammes.
Nous discutions normalement, paisiblement, mais lorsque j’ai pris congé, elle est venue vers moi pour m’embrasser sur les joues, et j’ai senti sa poitrine contre la mienne. En un instant, c’est moi qui, quelques siècles après le château, me suis transformé en brasier, et je n’ai pu résister à l’enlacer en cherchant ses lèvres.. Elle parvint à se dégager sans brutalité et me dit d’une voix douce :
- Non, Pierre, je t’en prie, ne fais pas de bêtise. Le temps, le temps seulement…. Il faut faire confiance au temps, et tout ira bien. Tu sauras alors que j’avais raison.
En fait de raison, c’était moi qui la détenais. Agnès était encore une jeune fille qui ne connaissait pas tout, surtout dans le domaine des sentiments. Car, si elle l’ignorait, moi, je savais que le temps ne ferait rien à l’affaire et qu’elle serait toujours l’amour de ma vie. ( A suivre)
Anne Administrateur
Nombre de messages : 23616 Date de naissance : 17/10/1957 Age : 66 Localisation : Région Parisienne Date d'inscription : 19/01/2006
Sujet: Re: LES AMOURS MORTES Dim 13 Mar - 11:20
Les amours d'antan ne dure que très peu de temps mais nous gardons la flamme pour toujours au fond du cœur. Cette histoire me ramène à mon premier amour platonique, je l'ai gardé avec un sourire au fond du cœur, c'était une très jolie histoire et le temps à eu raison de tout ça, on oublie, on passe à autre chose et lui aussi le fera, bien qu'il ne le sache pas.
Une bien jolie histoire Aristee, plein de tendresse.
aristee Sacrée Pipelette
Nombre de messages : 1155 Localisation : sud ouest Date d'inscription : 30/09/2006
Sujet: LES AMOURS MORTES Lun 14 Mar - 8:33
DEUXIEME PARTIE
CHAPITRE 1
Je me suis très vite habitué à ma vie d’étudiant. Le changement était pourtant radical. Plus de vie de famille pendant le weekend, mais uniquement des copains et des copines, à la Fac, au restaurant universitaire, à la cité universitaire.
Il avait été décidé que, contrairement à ce que je faisais durant mes études secondaires, je ne rentrerai à la maison que pour les fêtes de fin d’année. Cependant, les journées passaient rapidement, car je travaillais sérieusement, toujours pour Agnès .
Dans notre petite bande de copains et de copines, il y avait une jeune fille qui ne cachait à personne son attirance pour moi.
Bien sûr, je m’en étais parfaitement rendu compte. C’était une petite blonde, prénommée Jeanne, aux traits fins, gracieuse et spirituelle, Je ne pouvais rien lui reprocher, sinon qu’elle me laissait de marbre, et que ses ostensibles efforts pour me plaire, finissaient par m’énerver singulièrement.
Plusieurs étudiants m’enviaient d’attirer cette jolie jeune fille, et me demandaient ce que j’attendais pour répondre à ses avances.
Il n’y avait plus de place dans mon cœur, Agnès en était et resterait toujours l’unique occupante, c’était pour moi une certitude.
Mes parents m’avaient demandé de leur passer un coup de fil chaque semaine, ce que je faisais scrupuleusement le samedi soir, mais, jamais, jamais je n’ai voulu demander des nouvelles de « La Patronne ». J’avais trop peur de trahir mes sentiments, or, je voulais que seule, Agnès, sache ce que j’éprouvais pour elle. Il serait toujours temps d’en parler, lorsque mon amour enfin partagé, pourrait être connu de tous. Cette décision était d’autant plus facile à respecter, qu’à l’évidence, je n’aurais pas à attendre très longtemps. Notre amour était dans l’ordre des choses. J’étais très optimiste.
Pour les congés de fin d’année, j’arrivais à la maison vers 10 heures du soir. Mes parents m’avaient attendu pour dîner, et ils me posèrent tellement de questions sur ma vie à Aix en Provence, que je ne pus à aucun moment faire dévier la conversation vers le château et son occupante. J’étais à la fois frustré de ne pouvoir parler d’Agnès, et heureux, de voir mes parents fiers de leur fils.
Ce ne fut que le lendemain, alors que je prenais mon petit déjeuner, que ma mère me dit qu’au château, depuis une quinzaine de jours, il y avait « un monsieur » qui semblait bien s’entendre avec la patronne.
J’ai su tout de suite, que cette nouvelle était très grave, et immédiatement, je me sentis désespéré, sans forces, et sans réaction. Je comprenais parfaitement ce que ma mère avait voulu dire, mais il fallait que j’en aie la certitude et je finis par lui demander :
- Que veux-tu dire maman, par « un monsieur qui semble bien s’entendre avec la patronne » ?
- Tu sais, Pierre, quand un homme et une femme se promènent en se tenant par le bras, et que tous les 10 pas, ils s’embrassent sur la bouche, cela veut dire qu’ils s’entendent bien, tu ne crois pas ? Remarque, c’est une bonne chose. J’ai toujours pensé qu’il n’était pas normal que cette jolie femme reste seule. Elle en a mis du temps pour trouver l’homme de sa vie !
Ma pauvre maman ne se rendait pas compte, que chaque mot qu’elle prononçait, était comme des pierres qu’elle faisait tomber, une à une, sur mon cœur, et je me sauvais dans ma chambre, pour cacher mon désarroi.
Ainsi, elle avait tenu parole. Elle avait cherché et trouvé sans doute un mari. Elle s’était rendu compte qu’elle était une femme, et c’est moi, comble de l’ironie, qui le lui avais révélé.
Grace à moi, Agnès avait su qu’elle recelait des trésors de sentiments inassouvis, et maintenant, c’était un autre qui bénéficiait de cette découverte. Quelle injustice !
J’étais trop malheureux pour aller la voir avec son amant, et me réfugiais dans la lecture, seul moyen pour atténuer durant quelques heures, la douleur qui me serrait le cœur.
Il y a trois jours que j’étais en vacances, et le lendemain de Noël, mon père, en rentrant pour le repas de midi me dit :
« La patronne s’étonne de ne pas avoir eu ta visite. Tu sais mon fils, que ton impolitesse, ton manque de reconnaissance, me déçoivent beaucoup. Grace à elle, tu as pu faire, et tu fais encore des études dans de bonnes conditions. Tu devrais de toi-même te rendre compte de tout ce que tu lui dois. Je ne devrais pas avoir à te le rappeler. Il faut que tu ailles au château cette après midi et que tu t’excuses pour ton retard ».
Mon indifférence !!! Mon pauvre papa avait le souci de voir son fils s’élever et acquérir de bonnes manières, mais il ne savait rien de mon problème avec Agnès, et n’aurait certainement pas pu le comprendre. nous appartenions elle et nous, à des mondes tellement différents !.
J’enregistrais donc cette mercuriale, sans réagir Je me contentais de lui dire que j’avais justement l’intention d’aller au château dans l’après midi, ce qui était un mensonge, que je classais immédiatement dans la catégorie des plus véniels, car mon père n’étant pas partie prenante, n’avait pas à connaitre la vérité.
Cependant il fallait que j’y aille, puisque je l’avais annoncé
J’étais à la fois malade d’aller faire la connaissance de l’intrus qui occupait la place, qui, de droit, me revenait, et d’un autre côté, je voulais voir à quoi ressemblait celui qu’Agnès, d’une façon absolument incompréhensible, avait préféré à moi. ( A suivre)
nane Moulin à Paroles
Nombre de messages : 10181 Date de naissance : 22/11/1950 Age : 73 Localisation : Val de Marne et Côtes d'Armor Date d'inscription : 14/10/2005
Sujet: Re: LES AMOURS MORTES Lun 14 Mar - 14:35
Dur le premier amour quand il n'est pas partage :-(
Anne Administrateur
Nombre de messages : 23616 Date de naissance : 17/10/1957 Age : 66 Localisation : Région Parisienne Date d'inscription : 19/01/2006
Sujet: Re: LES AMOURS MORTES Lun 14 Mar - 15:09
Et oui, mais il fallait qu'il retombe sur ses pieds elle ne lui avait rien promis et il était en train de se raconter des histoires avec l'avenir de leur amour.
La chute est dure mais le plus tôt est le mieux.
aristee Sacrée Pipelette
Nombre de messages : 1155 Localisation : sud ouest Date d'inscription : 30/09/2006
Sujet: LES AMOURS MORTES Mar 15 Mar - 8:48
Comme chaque fois que j’allais la voir, je soignais particulièrement ma toilette, et je me rendis au château, habité par un mélange de trac et de colère.
Un domestique, me fit entrer dans le salon, où Agnès se trouvait avec un homme. Ils étaient assis dans des fauteuils, et ne se levèrent pas à mon entrée. Ils me considéraient sans doute comme un gamin, ce qui me fit regretter ma visite.
Je dus reconnaitre qu’il n’y avait rien de trouble dans leur attitude, mais cela ne suffit pas à calmer ma colère.
Lorsque je vins vers Agnès, elle se leva à moitié, m’embrassa sur les deux joues, et me dit en se rasseyant :
- Je suis heureuse de te voir petit Pierre. Je commençais à me demander si tu me boudais ! Ah ! Tu ne connaissais pas ce monsieur ? C’est Jacques !
Ce bonhomme se leva enfin à son tour, vint me serrer la main, et je pris un malin plaisir, à serrer très fort, pour lui faire sentir que je n’étais plus un enfant. Il fit une petite grimace, et cette vengeance, un peu puérile je le reconnais, me fit du bien.
Le Jacques en question était quelconque, et en tous cas, n’était pas une force de la nature. On peut penser que je n’étais pas très objectif, je veux bien l’admettre, aussi pour ne pas émettre de jugement de valeur toujours contestable, je préfère le décrire et chacun se fera son opinion.
Jacques était un homme qui devait mesurer autour de un mètre 70, à un ou deux centimètres près. Il ne devait pas peser plus de 55 kilos. Ses épaules étaient étroites. Un début avancé de calvitie découvrait son front jusqu’au milieu du crane. Son nez un peu fort et courbé, pouvait laisser penser qu’il descendait de Louis XVI. Sous la bouche, à peu près bien dessinée, un menton fuyant ne l’arrangeait pas.
Je dois reconnaitre à son crédit, tout d’abord de beaux yeux bleus, et, ensuite, pour ceux qui aiment, les cheveux blondasses…. enfin, je veux dire blonds, les cheveux (ceux qui lui restaient) étaient assez fins…..
Je ne comprenais pas. Non, je ne comprenais pas que ma merveilleuse, ma jolie, mon élégante, ma fine Agnès ait pu s’amouracher de ce type-là. En tous cas, j’en étais persuadé, aucune pérennité sentimentale ne pouvait s’établir entre ces deux êtres aussi dissemblables. J’en ai été un peu soulagé.
Bien entendu, ma toute belle ne pouvait engager la conversation, qu’en me posant de multiples questions sur ma vie estudiantine. Je répondais le plus brièvement possible, pour qu’elle sente bien ma réticence à répondre à ses questions en présence de sa demi- portion d’homme. Ce dernier essayait d’intervenir de temps en temps, fort maladroitement d’ailleurs, et uniquement pour se mettre en valeur. Lui aussi avait fait des études supérieures, médecine d’abord, puis une spécialité, psychiatrie, ensuite.
Je pense que c’est ce palmarès de grosse tête qui avait du plaire à Agnès. Je ne voyais pas d’autres explications.
Cette conversation n’était pas particulièrement agréable pour moi, sauf à un certain moment, ou le sieur Jacques, a voulu jouer au père moralisateur avec moi.
Bien sûr, dès le début, il m’avait tutoyé, pour bien marquer qu’à ses yeux je n’étais qu’un adolescent. Il voulut me donner quelques conseils, sur la nécessité de travailler, car c’est à mon âge, me dit-il, que se forge la vie de l’homme que l’on deviendra. C’est alors qu’Agnès le contra sèchement en lui disant :
- Vous savez, Pierre n’est plus un enfant, et en ce qui concerne la maturité, il pourrait donner des leçons a des personnes plus âgées que lui. J’ai personnellement suivi toutes ses études et je puis vous certifier, qu’à une intelligence vive, et à un robuste bon sens, il sait joindre un travail acharné. Il est parfaitement conscient de l’importance de la période présente de sa vie, pour préparer sérieusement son avenir, je lui fais toute confiance à ce sujet.
Je buvais du petit lait. Non pas à cause des compliments que venait de me prodiguer ma bien aimée, mais parce que le sieur Jacques semblait tout démonté par la virulente défense de mon avocate.
- Bien sûr, je le connais moins bien que vous, se contenta-t-il de répondre un peu piteusement.
Mais le meilleur moment, c’est lorsque, tout à la fin de notre entrevue, alors que je prenais congé, Agnès me dit :
- Il faudra que tu viennes dîner avant de repartir à Aix. J’ai encore beaucoup de questions à te poser sur tes études.
Puis, s’adressant à Jacques elle lui demanda : C’est bien après demain matin que vous partez ?
- Oui, il faut que je sois à Paris pour…
- C’est bien ça, le coupa-t-elle, vous partez après demain matin!
Puis se tournant vers moi, elle ajouta
Viens donc dîner après demain, vers 19 heures, nous parlerons encore de ta nouvelle vie.
J’étais si heureux que mes baisers sur les joues d’Agnès furent plus appuyés que d’habitude, et que, pour ma poignée de main avec Jacques, je fis attention de ne pas serrer trop fort. Je ne voulais pas lui faire mal. Je ne lui en voulais presque plus, l’attitude d’Agnès me rassurait. Il était hors jeu.
En rentrant chez moi, ma première joie passée, je me dis que j’avais peut- être tiré des conclusions trop hâtives. Après tout, s’il partait à Paris pour y faire je ne sais quoi, cela ne signifiait pas qu’il ne reviendrait pas après avoir réglé son affaire.
J’ai essayé de me remémorer toutes les expressions du visage d’Agnès durant notre conversation, et je suis arrivé à la conclusion, qu’elle n’avait jamais donné l’impression d’être follement amoureuse de son hôte.
Cependant, pour arriver à une certitude, il vaudrait mieux que je lui pose franchement la question, ce que je me promis de faire durant notre prochain dîner en tête à tête.
Comme toujours, mes parents, mon père surtout, furent très fiers que leur fils ait été invité par « La Patronne ». Il se préparait à me faire ses habituelles recommandations, sur la reconnaissance que je devais montrer à « La patronne » mais je pris les devants en le coupant sèchement :
- Je sais, papa, je sais. Je m’habillerai correctement, et je me tiendrai bien à table. Figure- toi que maintenant, je suis plus habitué que toi aux mondanités.
Je me rendis compte immédiatement, que j’avais manqué de respect envers mon père, et je m’en excusais, cependant que ma mère, plus intuitive, me dit, que, si je ne parlais pas comme d’habitude, c’est que je devais avoir des problèmes. ( A suivre)
Anne Administrateur
Nombre de messages : 23616 Date de naissance : 17/10/1957 Age : 66 Localisation : Région Parisienne Date d'inscription : 19/01/2006
Sujet: Re: LES AMOURS MORTES Mar 15 Mar - 10:28
Étrange comportement on la voit embrasser ce monsieur Jacques et la elle le remet en place sèchement et le provoque en invitant notre jeune ami devant lui le jour de son départ.
Serait-elle un peu cruelle ?
aristee Sacrée Pipelette
Nombre de messages : 1155 Localisation : sud ouest Date d'inscription : 30/09/2006
Sujet: LES AMOURS MORTES Mer 16 Mar - 9:21
Je lui répondis que j’étais seulement un peu énervé parce que l’ami de la patronne, avait voulu me faire la morale sur la nécessité de bien travailler quand on est étudiant.
Notre discussion en resta là.
Il faisait un froid de canard quand je me suis rendu à l’invitation d’Agnès. Il avait neigé la veille, et le mistral qui après être passé sur la neige, trouvait toujours un passage dans les vêtements pour arriver jusqu’à ma peau, me frigorifiait. Pressé d’arriver, alors que j’étais à proximité de la porte du château, je fis une magistrale glissade sur une partie verglacée, et je ressentis une violente douleur à ma cheville gauche. Après un petit temps de récupération, je parvins à me relever et à me rendre en boitillant à la porte du château. Je racontais au domestique qui vint m’ouvrir, la chute que je venais de faire, et, en m’appuyant sur son bras, j’arrivais à la salle à manger où Agnès m’attendait. Elle vit tout de suite, à ma pâleur, qu’il m’était arrivé quelque chose, et me fit coucher sur un canapé.
J’eus beau lui dire que ce n’était certainement pas très grave, puisque j’avais pu marcher durant une dizaine de mètres, elle tint absolument à appeler son médecin, qui arriva dans le quart d’heure qui suivit. Il diagnostiqua une légère entorse, me fit un solide bandage, et j’avoue que durant tout le repas, je ne pensais guère à ma blessure.
J’avais une question importante à poser, mais je n’eus pas à le faire, car elle me donna elle-même la réponse.
- Ce Jacques, me dit-elle, n’est pas un méchant garçon, mais malgré ses diplômes, il n’a pas inventé la poudre. Quand même, mon petit Pierre, tu ne l’as pas épargné quand tu lui as serré la main à la broyer. Cela ne m’a pas échappé. J’ai cru qu’il allait s’évanouir. Tu ne dois pas être jaloux chaque fois qu’un homme se trouve à mes côtés.
- Tout d’abord, Agnès, je ne suis pas, je ne suis plus « le petit Pierre », ensuite, je n’étais pas jaloux de Jacques, mais il est tellement inférieur à vous !
- Tu n’étais pas jaloux ? Ah, bon ! Je le croyais. Alors c’est parfait excuse-moi, Pierre, j’ai commis une erreur, me répondit elle, en plaisantant manifestement.
Il est vrai que tu n’as aucune raison d’être jaloux, à cause d’une vieille femme. Parle-moi un peu de ta vie à Aix. Il doit y avoir des tas de jeunes et belles étudiantes, et avec ton physique, tu dois faire des ravages.
- Ne faites pas semblant de ne pas savoir ce que vous savez parfaitement. Cela n’est pas digne de vous. Vous savez que vous occupez mon cœur, seule, et pour toujours. Il n’y aura jamais la moindre place pour une autre.
- - A mon tour de te dire, que ce que tu viens de dire, n’est pas digne de toi. Bien que jeune encore, tu m’as dit plusieurs fois que tu étais très mature. Si tu l’es réellement, tu dois admettre que l’on peut aimer plusieurs fois.
- Généralement, c’est exact, mais pas pour moi. J’aurais peut être pu aimer plusieurs femmes, mais le sentiment qui me porte vers vous, est unique, et ne laisse place pour personne d’autre.
- Arrêtons cette discussion, nous allons continuer à dire des bêtises.
A partir de ce moment là, nous n’avons plus parlé que des matières juridiques qui me plaisaient particulièrement dans mes études, comme le Droit Constitutionnel et le Droit pénal. J’ai été surpris de constater que dans ces domaines, elle avait plus que des notions, et, comme je l’en félicitais, elle me dit qu’elle avait fait deux années de droit, juste avant de se marier, ce qui confirmait qu’elle avait été une brillante étudiante, très en avance dans ses études..
Ma douleur à la cheville, était devenue supportable, mais Agnès tint absolument à me raccompagner dans sa voiture, et dans la nuit glaciale, au moment de nous séparer, quand nous nous sommes embrassés sur les joues, je suis parvenu à légèrement glisser vers ses lèvres. Mais elle ne me laissa pas aller plus loin.
Elle utilisa alors un mot qui sentait bon la vieille France.
- Fripon ! me dit-elle en souriant et remettant sa voiture en marche.
Je fus long à m’endormir ce soir là, car je ne cessais de penser à Agnès qui me semblait de plus en plus jeune, de plus en plus belle. Elle m’était destinée, j’en étais certain. ( A suivre)
nane Moulin à Paroles
Nombre de messages : 10181 Date de naissance : 22/11/1950 Age : 73 Localisation : Val de Marne et Côtes d'Armor Date d'inscription : 14/10/2005
Sujet: Re: LES AMOURS MORTES Mer 16 Mar - 10:06
Je me demande bien ou Aristée veut en venir avec ce jeune homme amoureux à perdre la raison ;)