JACQUES
Mais quoi ?
MOREAU
Mais, en ce qui concerne Gagnère, il est
totalement insolvable, quand au notaire, comme vous êtes de nombreux créanciers,
vous n’interviendrez qu’après les créanciers prioritaires, et vous ne serez
remboursés qu’au marc le franc, c'est-à-dire que vous vous partagerez entre
créanciers, ce qu’il restera (S’il en reste) en proportion du montant de votre
créance.
JACQUES
Tout ça, c’est du charabia, et vous essayez de
nous entortiller pour nous faire peur. Mais ça ne prend pas. Il n’y a pas un
mot de vrai dans tout cela.
MARIE
Désolée monsieur, mais les preuves sont là.
Bien entendu, ce sont des doubles. Je vous le dis, pour le cas où vous auriez
eu l’intention de les détruire. Voilà, je vous les confie.
(Elle tend le dossier à Jacques qui ne fait
pas un geste pour le prendre, et c’est Paul qui s’en empare, et se met à
l’étudier. Pendant que Paul lit le dossier, Marie parle avec Moreau.
MARIE
Me voilà propriétaire de cet appartement.
C’est très agréable. Je le connais bien, et je l’aime beaucoup. Evidemment, il
y a pas mal de changements à opérer, mais je suis persuadée que j’en ferai
quelque chose de bien.
MOREAU
Moi aussi, j’en suis persuadé car vous avez
beaucoup de goût, Marie. Je suis très heureux d’avoir pu vous aider à récupérer
votre bien, et j’espère que vous m’en êtes reconnaissante.
MARIE
Bien sûr, je vous en suis reconnaissante, et
vous voudrez bien m’envoyer votre note d’honoraires
MOREAU
Vous plaisantez, Marie ? Il n’est pas
question de me régler quoique ce soit. En revanche, je fais des vœux pour que
vous envisagiez d’une façon plus favorable ma demande en mariage.
MARIE
Je vous l’ai dit, mon cher, je n’envisage pas
le mariage pour l’instant. D’ailleurs, je vais avoir beaucoup de problèmes à
régler. Par exemple, ce commerce de chaussures…..
(Elle se tourne vers Jacques)
Mais au fait, Jacques, puisque vous vous retrouvez
sans situation, je peux, si vous le désirez vous prendre comme employé.
JACQUES (Grognon)
Très drôle !!Je n’apprécie pas ce genre
de plaisanterie !
MARIE
Mais ce n’était pas une plaisanterie. Vous
aviez eu la gentillesse de me prendre à votre service. Maintenant que la roue a
tourné, je vous renvoie l’ascenseur. Vous êtes libre d’y monter ou non.
(Elle se retourne vers Paul qui vient de
refermer le dossier)
Quand à vous, mon cher Paul, si vous le
désirez, je vous offre le poste de gérant du magasin. Nous discuterons plus
tard des conditions. Etes-vous intéressé par ma proposition ?
PAUL (Tape sur la couverture
du dossier)
Il est certain que votre dossier se tient. Je
ne vous donne pas une réponse immédiate, mais votre proposition peut
m’intéresser.
JACQUES
Mais enfin Paul, tu es ridicule ! Tu ne
vas pas devenir l’employé dans une maison dont nous sommes propriétaires.
PAUL
Mon pauvre vieux ! Nous ne sommes plus
les propriétaires.
JACQUES
Si c’était exact, je dis bien : Si
c’était exact, le poste de gérant me reviendrait tout naturellement, puisque je
suis l’ainé.
MARIE
Désolé, Jacques ! Mais je n’ai que faire
de votre droit d’ainesse, et à titre de propriétaire du magasin, c’est moi et
moi seule qui peux juger de celui qui me semble le plus compétent pour les
fonctions de gérant. Et ce sera Paul.
JACQUES
Si j’avais un conseil à vous donner, je vous
conseillerais de relire « Perrette et le pot au lait ». Vous
organisez l’appartement, vous nommez un gérant du magasin, alors que jusqu’à
plus ample informé, vous n’êtes propriétaire de rien.
MARIE
Si vous ne voulez pas voir les choses en face,
c’est votre problème. Je vous avais gentiment proposé de vous prendre comme
employé, mais si vous refusez, je n’aurai aucun mal pour en trouver d’autres.
PAUL
Soyez sans crainte, Marie, votre gérant
prendra l’affaire en mains, et il saura choisir la personne adéquate
JACQUES
C’est toi qui parle comme ça ! Tu n’as
pas honte ? Si maman te voyait…
PAUL
Je ne sais pas si elle nous voit, mais dans
l’affirmative, elle m’approuverait d’accepter une situation, alors que bien
évidemment, nous n’avons plus rien. D’ailleurs, je voudrais faire une demande à
Marie. Lorsque vous deviendrez effectivement la maitresse des lieux, et en
particulier de l’appartement, nous autoriserez-vous, mon frère et moi, à
l’habiter ….en vous versant un loyer évidemment.
JACQUES
Payer un loyer pour notre appartement ?
Tu es complètement fou !!!
PAUL
Mon pauvre frère ! Tu es peut-être
l’ainé, mais c’est moi qui suis le sage. Tu es long à comprendre !
MARIE
J’avoue Paul, que vous m’épatez ! Vous
vous adaptez à une situation nouvelle avec une rapidité remarquable. Je me
demande…..
Un temps
MARIE
Je vous demande, Moreau et Jacques de nous
laisser. J’ai des dispositions à prendre avec mon gérant et locataire.
MOREAU
Je suis désolé d’avoir à vous le dire, Marie,
mais ne vous laissez pas étourdir par la bonne fortune qui vient de vous
sourire…grâce à moi, je dois le souligner, alors je pense…..
MARIE
Vous avez beaucoup pensé pour moi, Moreau, et
je vous en remercie. Maintenant, je vais prendre personnellement mes
responsabilités. Je vous demande à nouveau de me faire parvenir la facture de
vos honoraires.
MOREAU
Marie, vous êtes une ingrate, et j’en suis
malheureux.
MARIE
Allons, allons, ne soyez pas triste ! Vous
êtes un excellent professionnel, et je vous en donne acte. Cela devrait vous
faire plaisir. S’il vous plait, laissez-moi !
Après une hésitation, Moreau sort. Jacques
reste les bras ballants, comme absent.
MARIE
Vous aussi, Jacques, veuillez nous
laisser ! Réfléchissez. Mon offre de vous prendre comme employé tient
toujours. Tenez-moi au courant de votre décision.
Courbé, l’ai abattu, Jacques sort de la
pièce.
Les deux personnes en scène, se regardent
un moment, écoutant les pas de Jacques
qui s’éloignent.
MARIE
Vous êtes un drôle de bonhomme, Paul !
Vous me sembliez effacé, à côté de votre frère, alors que vous avez des
qualités de caractère remarquables.
PAUL
Je suis en tous cas heureux qu’elles aient été remarquées. Et je vous
demande seulement de me rendre justice sur un point : Lorsque j’étais
propriétaire, et vous, une simple employée, je vous ai dit à plusieurs reprises
que je vous aimais. Les circonstances ont changé, mais, mes sentiments, eux, sont toujours les mêmes.
MARIE (Après un moment de
réflexion)
Je crois, Paul, que je ne vous nommerai pas
gérant et que je ne vous prendrai pas comme locataire.
PAUL (Déçu et malheureux)
Bien sûr, c’était trop beau.
J’aurais pu, comme Gérant vous voir très souvent. Même cela m’est enlevé.
MARIE
Grand nigaud ! Viens dans mes bras !
Tu ne seras pas mon gérant, tu ne seras pas mon locataire, tu seras mon amant
pour commencer….et nous verrons par la suite…...
PAUL
Oh, Marie, vous allez m’accepter, alors que je
n’ai plus rien…
MARIE
Vous n’avez plus rien, mais c’est moi qui vous
ai déshabillé, alors, je suis logique, je vais en profiter….
Paul et Marie s’embrassent
LE RIDEAU TOMBE
FIN