Le Tung-Wang-Fung
La fleur Ing-Wha, petite et pourtant des plus belles,
N'ouvre qu'à Ching-tu-fu son calice odorant ;
Et l'oiseau Tung-whang-fung est tout juste assez grand
Pour couvrir cette fleur en tendant ses deux ailes.
Et l'oiseau dit sa peine à la fleur qui sourit ;
Et la fleur est de pourpre et l'oiseau lui ressemble ;
Et l'on ne sait pas trop, quand on les voit ensemble,
Si c'est la fleur qui chante ou l'oiseau qui fleurit.
Et la fleur et l'oiseau sont nés à la même heure ;
Et la même rosée avive chaque jour
Les deux époux vermeils gonflés du même amour.
Mais, quand la f leur est morte, il faut que l'oiseau meure !
Alors, sur ce rameau d'où son bonheur a fui,
On voit pencher sa tête et se faner sa plume.
Et plus d'un jeune coeur dont le désir s'allume
Voudrait, aimé comme elle, expirer comme lui !
Et je tiens, quant à moi, ce récit qu'on ignore
D'un mandarin de Chine, au bouton de couleur.
La Chine est un vieux monde où l'on respecte encore
L'amour qui peut atteindre à l'âge d'une fleur.
Louis Bouilhet