En guise de rééducation à l'écriture... à la vie...

J’ai fait cuire le pain
J’ai tiré l’eau du puit
La viande est rôtie
Dans le matin glacé
J’ai cueilli l’herbe sauvage
Les dalles de la salle
Je les ai savonnées
Sur la table la nappe est jetée
Les assiettes sont mises
Les verres ont trouvé leur éclat
Le gâteau refroidit
Distillant sa cannelle
J’ai retiré de chaque pot
Les feuilles trop rousses
Les fleurs fanées
La musique diffuse
Fait danser l’air tiédi
Pourtant tout reste à faire
Rien n’est accompli
Je suis comme en suspens
Je t’attends

Ce serait dommage, s’il ne venait pas après tant d’efforts si joliment décrits

Minute, j'arrive!

Ah, y a pas l'eau courante chez toi ?
Et pas de boulanger non plus ?
Et pas de cireuse pour les dalles ?
Et puis ça caille là-bas!!!

Hein...Qu'est ce que tu dis ?
C'est pas moi que tu attends pour te réchauffer ?

Bon, j'retourne dans ma tanière!

Joli retour à l'écriture, mais, vous, poètes et poétesses, que de spleen vous amenez avec vous!

Oui ben alors du coup... heu... j'avais un tit texte tout chaud sorti du four à te communiquer mon cher Goupilou qui me tânes depuis des mois pour que j'écrive à nouveau... ça y est... mais si tu crains le spleen... heu... va falloir fermer les pitit nyeux!!!! ça va faire tout bobo sinon.... bon ben du coup je le mets à la suite hein... ça va être mon post avec tout mon fiel et tout mon miel... et tout mon bon gros spleen bien lourd!!! ok??? allez... on va se fendre la poire ensemble... c'est parti!!!

PS... merci pour vos com... adorables matelots!!! et Marjo... je transmets à qui de droit...

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Es toujour au calabrun che ven…

C’est toujours au coucher du soleil, quand le soir s’avance, que la maison déjà froide se refroidit encore, que les pièces, lumineuses en journée, déclinent en habit noir, qu’elle arrive… C’est toujours à ce moment du jour qui flirte avec la nuit, où l’ombre ne sait plus si s’étendre est encore bien vu, où les rumeurs de la rue se font soudain plus sourdes comme si le monde mourrait un peu à contre temps… cet instant entre hier et demain, cette indécision du temps, ce fil tranchant auquel on se retient pour ne pas sauter dans le rien… c’est à ce moment là qu’elle vient…

C’est juste une impression, une idée vague. Comme un frisson dans l’échine, une écharde à l’orteil, une escarbille dans l’œil. C’est juste un battement d’aile au dessus de nos têtes, un cri rieur et rauque qui fend d’un coup le ciel. C’est presque rien. Ça rempli tout. Ça s’insinue dans chaque pli, ça comble le moindre interstice. C’est invisible, impalpable… innommable. C’est là.

Es toujour au calabrun che ven… es una bestia laita…*

Ses traits sont froids, durs et sévères, ses mains noueuses et sa voix aigre. Sa peau est pareille aux terres désertiques craquelées de sècheresse et d’inhumanité. Es pas Tanta Chicheta**, ma es une bruta bestia. Une bête cynique qui observe ses proies, adopte la patience de l’herbe qui s’écoute pousser et sait qu’elle aura, quand elle le voudra, le dernier mot. C’est une ombre glacée qui essore les âmes au creux de ses deux paumes se délectant du jus de l’envie qui s’en va.

Il suffit qu’un instant, on baisse un peu la garde, il suffit qu’un instant on oublie de lutter et on se sent saisi inexorablement, précipité dans l’ombre des regrets sans fin, des doutes millénaires, des peines abyssales. Il suffit d’un instant… on bascule, on tombe.

Es toujour au soubran che mostra lu sieù moure…***

C’est toujours à la tombée du jour qu’elle montre son visage égratigné par la haine, édenté par les siècles et l’acide de ses entrailles.

Je l’ai sentie venir ce soir dans ma maison. Je me suis redressée et je l’ai attendue. Je l’ai sentie venir refroidir mon bonheur alors je lui ai fait face et de toute ma force je lui ai opposé un vaste éclat de rire, un souffle de printemps. Je lui ai envoyé des salves de tendresse et des bouffées d’amour et je l’ai regardée jusqu’au fond de ses yeux livides et délavés, et mon regard de vie, et ma joie enfantine ont percé jusqu’au coeur son amas de souffrances, ses monceaux de douleurs. A son appel de mort j’ai répandu la vie.

Alors le dos voûté par tant de maux à porter sans moi désormais, alors les mains tremblant encore du choc de mon regard je l’ai vue s’éloigner, mi courant, mi tombant dans le soleil couchant.

Deman besai ritroverai li tiù bras…****

Demain, peut-être, je retrouverai tes bras qui sont ma force et mon refuge. Demain peut-être je me remplirai de toi comme on se rempli de joie. Je boirai à ta source, y nettoierai mes larmes. Demain peut-être blottie contre toi, j’oublierai tout ce froid. Et chargée de soleil je pourrai repartir, plus légère et sereine… et quand le soir viendra… j’aurai le rire en moi…

Es toujour au calabrun che ven…


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*Es toujour au calabrun che ven… es una bestia laita…

C’est toujours au coucher du soleil qu’elle vient… c’est une vilaine (laide) bête...

**Tanta Chicheta :

C’est un équivalent de la Mort Marraine, un visage humanisé de la Grande Fauchause

**Es pas Tanta Chicheta, ma es une bruta bestia.

Ce n'est pas Tanta Chicheta... Mais c'est une sale bête.

***Es toujour au soubran che mostra lu sieù moure…

C’est toujours au coucher du jour qu’elle montre son visage (sa trogne)

****Deman besai ritroverai li tiù bras…

Demain peut-être, je retrouverai tes bras…

PS... heu... les phrases en langage autochtone... vous aurez deviné... c'est en niçois... langue occitane et celle qui a bercé toute mon enfance... et continue encore...

au fait c'est quoi le spleen !!!

Citation :

Deman besai ritroverai li tiù bras…

Chez moi on dirait "béléou" mais je note car c'est un mot que ne ne connaissait pas, qui figure dans la "coupo santo" l'hymne provençal.

Il est en effet dit : "Sian bessai la finicioun " que l'on peut traduire en effet par " nous sommes peut être à la fin"

D'un vièi pople fièr e libre
D'un ancien peuple fier et libre
Sian bessai la finicioun
Nous sommes peut-être la fin ;
E, se toumbon li Felibre
Et, si tombent les Félibres
Toumbara nosto nacioun.
Tombera notre nation.

Les Félibres, sont les "gardiens" de la traditions

Oui... tu es en Provence... l'amic... et les terminaisons féminines sont en O alors qu'en Niçois... influence de l'Italien oblige... elles sont en A... mais on se comprend très bien...

Le spleen... ha... Beaudelaire, Verlaine... le spleen, ce sentiment indéfinisable entre mélancolie, tristesse, regrets, angoisse et en même temps... cette force de vie toujours présente, cette espèce de révolte permanente qui sourd...

si quelqu'un a une autre définition plus claire... je prends!! lol

Pour écouter la coupo santo..

http://www.ville-carces.fr/hymne_provencal/images/coupo_santo.mp3

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Coupo Santo
E versanto, vuejo à plen bord
Vuejo abord lis estrambord
E l'enavans di fort !

Coupe Sainte
Et débordante, verse à pleins bords
Verse à flots les enthousiasmes
Et l'énergie des forts !

I - Prouvençau, veici la coupo
Que nous vèn di Catalan
Aderèng beguen en troupo
Lou vin pur de noste plant.

I - Provençaux, voici la coupe
Qui nous vient des Catalans
Tour à tour buvons ensemble
Le vin pur de notre cru.


II - D'un vièi pople fièr et libre
Sian bessai la finicioun;
E, se toumbon li Felibre,
Toumbara nosto Nacioun.

II - D'un ancien peuple fier et libre
Nous sommes peut-être la fin;
Et, si les Félibres tombent,
Tombera notre Nation.

III - D'uno raço que regreio
Sian bessai li proumié gréu;
Sian bessai de la Patrio
Li cepoun emai li priéu.

III - D'une race qui regerme
Peut-être sommes-nous les premiers jets;
De la Patrie, peut-être, nous sommes
Les piliers et les chefs.

IV - Vuejo-nous lis esperanço
E li raive dou jouvent,
Dou passat la remembranço
E la fe dins l'an que vèn.

IV - Verse-nous les espérances
Et les rêves de la jeunesse,
le souvenir du passé
Et la foi dans l'an qui vient.

V - Vuejo-nous la couneissènço
Dou Verai emai dou Bèu,
E lis àuti jouïssènço
Que se trufon dou toumbèu.

V - Verse-nous la connaissance
Du Vrai comme du Beau,
Et les hautes jouissances
Qui se rient de la tombe.

VI - Vuejo-nous la Pouësio
Pèr canta tout ço que viéu,
Car es elo l'ambrousio
Que tremudo l'ome en Diéu.

VI - Verse-nous la Poésie
Pour chanter tout ce qui vit,
Car c'est elle l'ambroisie
Qui transforme l'homme en Dieu.

VII - Pèr la glori dou terraire
Vautre enfin que sias counsènt,
Catalan, de liuen, o fraire,
Coumunien toutis ensèn !

VII - Pour la gloire du terroir
Vous enfin nos alliés,
Catalan, de loin, ô frères,
Communions tous ensemble !

Oui oui je viens de voir cet apport culturel très intéressant... merci pour le texte de la Coupo... je ne l'avais pas... mais moi ce n'est pas ma culture directe... je ne suis pas provençale... mais ce texte est très beau!! c'est Mistral ou c'est antérieur?

Nous sommes en pleine culture régionale ma "chère" Isa, en effet c'est Frédéric Mistral qui composa cet hymne provençal.

Voici l'histoire de cette fameuse coupe...




C'est en 1867 que les Catalans envoyèrent, aux Félibres provençaux, une Coupe d'argent en témoignage de gratitude pour l'accueil fait au poète catalan Victor Balaguer, expatrié pour raisons politiques, et aussi, pour marquer l'amitié, toujours vive, entre les deux provinces. A la fin du banquet, en Avignon, Mistral lança un hymne pour remercier. Celui-ci est devenu l'hymne de Provence et, par extension, l'hymne de tous les pays de langue d'Oc, toujours chanté dans les cérémonies félibréennes sur la musique d'un vieux Noël du XVII° siècle de Saboly.
La coupe, de forme antique, est une conque supportée par un palmier contre lequel s'appuient deux statuettes, les deux soeurs ! L'une représente la Catalogne, l'autre la Provence. Elle fut faite grâce à une souscription de 1800 signatures et par le statuaire stéphanois (St-Etienne-de-Tinée) Guillaume FULCONIS qui ne voulut pas être payé lorsqu'il apprit le but patriotique de l'objet. Par la suite, c'est à. Paris que l'argentier JARRY l'a coulé.
Au pied de chaque figurine, il y a les armoiries qui la désignent. On peut lire autour de la conque "Présent offert par les patriotes catalans aux félibres provençaux pour l'hospitalité donnée au poète catalan Victor Balaguer en 1867"
Sur le socle, sont finement gravés les vers

"On la dit morte
Mais moi je la crois vivante"
Victor Balaguer

"Ah ! si on savait me comprendre
Ah ! si on voulait me suivre"
Frédéric Mistral

Super!!!!! grand merci à toi... je connaissais vaguement l'historique mais là... me voilà complètement instruite!!! formidable!!

je vais me coucher toute culturée dis donc!!lol

Toute petite et modeste inspiration... je continue la rééducation!!



A butter sur les pierres
En chemin de malheur
Et brandir des banières
Rongées par les douleurs
Couleur sang et colère
A chaque pas je meurs

A chercher la lumière
Sous les larmes et les pleurs
A perdre les repères
Sans renier les valeurs
Je trésaille et j'espère
Trompée par des lueurs

A marcher sur la terre
Sentir battre son coeur
Eviter les vipères
Aux vallées de la peur
J'ai trouvé ma tanière
Au nez du temps voleur


A jadis et naguère
Les épines aux fleurs
Dans les bras de mes frères
J'ai trouvé la chaleur
Contre eux quand ils me serrent
Me rendent la douceur

Nauffragée sans peur
J'ai oublié mon âme
A chercher des ailleurs
Au fond de mes yeux de femme

Dans l'abysse du temps
J'ai crié mon envie
Ma vie part à tout va
Et la mer bleue me hante

J'ai eu mon heure de gloire
Aux semblants de sourires
J'ai eu mon heure de noir
Dans tes yeux qui ont fuit

Seule sur le sable
La gorge et l'oeil en feu
A compter les étoiles
Le soleil entre les dents

C'est pour garder l'espoir
Que les loups hurlent à la mort
Je retourne à ma terre
Le repos n'attend pas

Tu as réveillé l'enfer qui dormait dans mes pattes
Il a gémit si fort que la terre a tremblé
L'humaine solitude a soulevé les astres
Maintenant face à elle tes yeux cognent les pierres
Dans mes mains, lent, s'écoule le sable de ta vie
Tu sais de la lumière, seul, l'éblouissement

Lentement se lève la vigueur, nouvelle, lentement s'efface cet ineffable sentiment de mélancolie.

Ce n'est pas parce qu'on ne dit rien qu'on ne lit pas.
Ce n'est pas parce qu'on lit qu'on doit dire quelque chose.
Ce n'est pas qu'on ne dit rien qu'on dort.
Il suffit que le condor passât pour que renaisse, surgi de nulle part, pas un aigle, bien sûr, mais l'espoir.

La rééducation est personnelle et il suffit d'accompagner quelquefois un pas un peu hésitant pour l'affermir.

La voie est libre, continue.

Mélancolie, mélancolie, mais l'an, colis, fardeau sur mes épaules je le dépose ici, qu'il me quitte enfin !
Au moment où se gonfflent les cascades qu'il se dissolve au fil de l'eau pour aller grossir les flots !
Je voudrai tant qu'il soit absorbé par la joie, le bonheur, l'humour, je voudrai tant qu'il ne me retombe dessus sous forme de pluie !
Vivre avec les siens au sens très large et se réveiller soudain, trahie, baffouée dans ses valeurs, dans son âme, dans ses visions.
Crier pour provoquer le silence, le silence innoncent que l'on découvre complice et continuer...
Avoir mal, si mal qu'à jamais aurait pu disparaitre ma force d'aimer, ma force d'humanité, ma force à soulever les montagnes et hisser les autres. A reconnaitre dans le plus miséreux, le plus dépourvu, un frère un compagnon, un indispensable dans le dessin.
Et puis ce petit reste de tendresse, ces éclairs de joie si tenus qu'ils n'éclairent plus rien, qu'ils ne font remarquer que l'obscurité...
Oui je veux ranimer mes flammes, oui je veux briller suspendue là-haut et la force d'ignorer tout ce qui est sombre.
Ce ne sera point de l'indifférence, ni même de l'inconscience, simplement un état d'urgence, un sauvetage de mon essence !

ma réponse au spleen...

Le spleen ? Souvent il me chagrine
Quand je pense à ses bras
qui ne me sont plus qui ne sont pas
Le spleen ?
Un matin m’a pourtant réveillée
Me dictant ce que je n’avais jamais osé
Vivre et aimer
Vivre et se laisser aimer
Vivre et s’aimer
Le spleen est tel que tu l’as défini
Cette extase mêlée de mélancolie
Mais pour moi désormais
Sans plus jamais aucun regret
Ni même un petit remord
Car ma vie je la croque et à pleines dents je la mords.

Merci pour Frédéric Mistral, je ne connais rien de la culture provençale c'est un début et quel début!

Le meilleur qui soit sans doute en effet... ha... ces Frédéric... ils nous font tourner la tête parfois!!! lol

J'aime ca faisait longtemps que je ne t'avais lue ainsi: )

Je découvre car pas eu le temps depuis mon retour de m'attarder sur le forum écriture. Isabelle tu as un sacré talent un vrai régal, je le savais et je suis heureuse de te lire ainsi.

Plein de tendresse ma belle!!!!!

Mistral ne doit toutefois pas nous distraire du vent qui marque le retour de la Comtesse à la vie, à l'écriture.

Bien joli, la noirceur s'efface doucement.

et voui!!!!

Si de la nuit, cet étendard
N'était qu'un songe, un leurre
Et si seulement pour un regard
On remettait nos montres à l'heure.

S'il n'y avait qu'à accepter
Une parole, une caresse
Pour que le jour qu'on attendait
Retrouve enfin la bonne adresse.

Si nous n'étions que des morceaux
De cette fresque indissoluble
D'amours et de rêves inégaux
Qui restent clos aux incrédules.

Et s'il nous suffisait demain
Toi face à moi dans le silence
De s'inventer des lendemains
Nymbés de nous, loin de l'absence.

Si enfin nous trouvions ensembles
Les mots qui repoussent les peurs
Dans un monde qui nous ressemble
Nous irions vers d'autres ailleurs.