Ce genre de texte est écrit à 4 voix avec mes 3 filles dans l'obscurité juste avant que le sommeil ne viennent les emporter.
Le rituel est qu'ensuite, j'aille taper ceci sur ordinateur pour en poser un exemplaire à chacune que mes deux grandes savourent au petit déjeuner.
Au travers des contes, nous parcourons le monde, je vous préviens vous êtes mes premiers lecteurs extérieurs, soyez indulgents !
Grand père adoré
Dans un lointain pays qu’on appelle la Chine vivait un jeune garçon nommé Chang. Aujourd’hui, comme souvent, il jouait au Go avec son grand père. La partie était sérieuse et acharnée; le vieil homme s’évertuait à contrer son élève en faisant durer à loisir l’affrontement quand, à la plus grande surprise de Chang, il fit une erreur qui lui donna une victoire inespérée.
« Qu’as-tu donc Grand père, qu’est-ce qui te tracasse ? »
Il le vit hésiter un moment, plusieurs fois il fit mine de commencer avant de dire d’une voix faible.
« Chang, j’ai un service à te demander, un grand service même…
- Quoi donc grand père ?
- Va au grenier, trouve une boîte d’ébène décorée de filets d’or et porte la moi. »
Trop heureux d’aider, le petit se rua au grenier et chercha un long moment avant de mettre la main sur la boîte que, empli de fierté, il apporta à son grand père,.
« Ouvre la Chang, ouvre la et regarde ce qu’elle contient. »
Avec d’infinies précautions Chang en défit les fermoirs puis en sortit un cahier de dessin relié à la couverture rouge et argentée. Il l’ouvrit comme une relique pour y trouver de merveilleux paysages dessinés. A chaque page, l’image qui apparaissait lui semblait familière.
« Qu’est-ce donc grand-père ? »
Emu presque aux larmes, le vieil homme prit le livre d’une main tremblante et en parcourut les pages si souvent tournées. A la moitié du cahier, il le tendit ouvert au jeune garçon. Sur le papier parcheminé était tracé avec soin le visage d’un homme âgé qui ressemblait à s’y méprendre au portrait de l’un de ses ancêtres.
« Qui est-ce ?
- Mon grand père, Chang, mon grand-père. », lui répondit le vieillard en souriant.
- C’est toi qui as dessiné tout ceci ?
- Oui, j’ai tout dessiné quand mon grand père avait mon âge et maintenant Chang… C’est à toi.
- A moi ?
- Oui, à toi de terminer ce livre si tu le veux bien. A toi de mettre sur ses pages les endroits et les choses que nous avons aimés puis de tracer mon portrait.
- Mais pourquoi donc grand père ?
- Tu le sais Chang, je suis fatigué. Bientôt il me faudra partir me reposer…
- Mais grand-père, tu…
- Ne sois pas triste Chang, j’ai avec moi mille souvenirs merveilleux à emporter, et ce livre si tu acceptes de le compléter me permettra de les parcourir pour l’éternité.
- Que veux tu dire grand père ?
- Tu vas dessiner ce que tu aimes le plus et si tu y mets ton cœur, alors, c’est parmi tes dessins que je pourrai me reposer…
- Comment ça ? Que….
- Ne pose plus de questions, je t’en supplie mon petit. Le temps presse, déjà je me demande si je n’ai pas trop attendu… »
Le grand père toussa puis lui indiqua le tiroir d’une commode marquetée. Chang, sans plus parler, alla l’ouvrir et y trouva quelques fusains et une boîte de couleurs. Puis il salua son grand-père et se hâta de commencer à dessiner.
Sur la première page, Chang dessina le parc où il aimait aller marcher. Il y mit un banc, pour que son grand-père puisse s’asseoir et regarder la magnifique fontaine qui y trônait, un peu d’herbe autour, un buisson de lilas, quelques oiseaux au chant mélodieux et même un petit sac de graines posé sur le banc, histoire de les apprivoiser…
Sur la page suivante, c’est son restaurant préféré qu’il traça avec sa table habituelle et le couvert déjà mis pour déguster le riz parfumé et les nems qu’il adoraient. Il poursuivit par son propre salon, son fauteuil et une jolie bibliothèque, le cendrier et le tabac à rouler. Avec d’infinie précautions, ce fut un fauteuil à bascule que Chang dessina sur la page suivante, face à la mer avec un formidable coucher de soleil qui se reflétait. Il ne restait que peu de pages à Chang et tant d’idées à exploiter… Il termina en dessinant un jardin à entretenir puis une maison inconnue habitée par trois princesses : l’une portant sucette, l’autre lunettes et la troisième bandeau sur la tête.
Puis sur la dernière page, il entreprit de dessiner le portrait. Chacun des traits fut tracés avec amour et attention, la moindre des rides que l’enfant aimait tant caresser venait orner ce visage merveilleux. Chang ne prit qu’une liberté… Discrètement il rendit à son grand père les dents depuis longtemps perdues, histoire qu’il puisse mieux apprécier ses repas au restaurant. Puis sans plus le regarder, il dessina à ses pieds le chien qu’il avait tant aimé et qu’encore aujourd’hui le vieil homme regrettait.
Quand il ferma le livre, Chang ne fut pas surpris de trouver son grand-père parti. Il le regarda un moment puis rouvrit le cahier. Il était là dans les bras de son propre grand-père, semblant sourire à son petit fils. Lentement le garçon feuilleta les pages, trouvant à chaque moment, le grand père et ses souvenirs. Les larmes qu’il versa n’étaient pas de tristesse mais de joie. Il venait d’ouvrir la dernière page et le grand père souriait de toutes ses dents, saluant une dernière fois son petit fils.
Et si un jour, les trois princesses voient arriver un vieillard heureux et fatigué, qu’elles ne s’inquiètent pas, au contraire qu’elles le saluent, l’embrassent pour son petit fils adoré et lui préparent une tasse de thé !