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 Entre le TOUT DIRE et le NON DIRE

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MessageSujet: Entre le TOUT DIRE et le NON DIRE   Entre le TOUT DIRE et le NON DIRE EmptyDim 8 Oct - 10:26

Voici un texte d' Alberto Moravia ....
Il est long car pas comme les autres histoires , réduites à l' essentiel par l' oralité et l' anonymat des conteurs ...mais qui sait dans quelques siècles .....
Bien sûr entre le "tout dire" , la fameuse et cruelle transparence qui fait des dégats et aussi ne "rien dire", les fameux non dits , qui font autant de dégats ....la voie est certainement celle des pays tempérés , la voie du milieu où il faut se gratter la tête pour savoir ce qu'il est bon de dire et bon de se taire ....et de se garder son petit " jardin privé"



Quand les pensées gelaient dans l'air

Il faut savoir qu'au Pôle, il y a un million d'années, il faisait beaucoup plus froid qu'aujourd'hui. La température descendait facilement à un milliard au-dessous de zéro. Par un froid pareil, tout gelait, même - vous ne nie croirez pas mais c'est pourtant vrai -, même les pensées. Dès que quelqu'un se disait, par exemple : « Mais quel froid de canard! » il se formait aussitôt au-dessus de sa tête comme un petit nuage de vapeur, et dans le nuage, en lettres de glace toutes pointues et ruisselantes comme des stalactites, on pouvait lire : «Quel froid de canard!»
Cette particularité des pensées gelées et donc visibles avait abouti au résultat logique que plus personne, au Pôle, n'avait le courage de penser quoi que ce soit. Tous avaient peur que les autres lisent dans leur pensée. Ainsi, à la fin, que ce soient les ours, les pingouins, les phoques, les chiens, les esquimaux, plus personne ne pensait. En somme, c'était un monde d'imbéciles. Cependant, ils étaient idiots non pas parce qu'ils étaient absolument incapables de penser, mais par gentillesse, par délicatesse.
Un siècle (à l'époque, un siècle voulait dire un jour), un certain MorSe était sur une grande plaque de glace en train de profiter du froid, immobile, les yeux miclos, sans autre pensée dans la tête que «bah ! » Et au-dessus de sa tête, on pouvait justement lire «bah ». Quant à savoir ce qu'il voulait dire exactement par ce « bah », ce fut impossible.
Soudain, une certaine AnGuille émergea de la mer, toute frétillante et pleine d'esprit. Elle cria à MorSe
- Hé, MorSe, écoute un peu.
MorSe marmonna
- Dis-moi, AnGuille.
- Écoute ce qui m'est arrivé lors de mon dernier voyage. Imagine-toi que je suis arrivée dans un pays qui s'appelle TroPique où il fait une chaleur, mais une chaleur! Eh bien, figure-toi qu'à TroPique, les pensées ne gèlent pas.
- Qu'est-ce que tu racontes?
-je t'assure que c'est vrai. Par exemple, quelqu'un te regarde et pense: «Quel gros derrière a ce MorSe! », eh bien tu n'es pas au courant, parce que là-bas, il fait si chaud que les pensées ne gèlent pas et restent donc invisibles.
- Qui a dit que j'avais un gros derrière ? grogna MorSe, vexé.
- je te dis ça pour te donner un exemple. Écoute, si nous quittions le Pôle où l'on ne peut rien penser sans que tout le monde le sache aussitôt? Pourquoi n'irions-nous pas au pays du TroPique. S tu savais comme c'est agréable de pense,sans crainte, en toute liberté! À TroPique, j'ai fait une vraie orgie de pensées.
- A quoi pensais-tu?
- Oh, à tant de choses!
- Par exemple?
- Mais je ne sais pas. Par exemple : le soleil est vert. Ou: deux et deux font cinq.
- Mais le soleil n'est pas vert!! Et deux et deux font quatre.
- Bien sûr. Mais c'est ce qui est bien tu peux penser tout ce que tu veux, personne ne le sait.
Bref, AnGuille fit tant et si bien que MorSe se laissa convaincre de partir avec elle pour le pays de TroPique. Il ne se serait peut-être pas décidé aussi vite si juste à ce moment-là trois hommes couverts de fourrures et armés de bâtons
n'étaient descendus d'une barque qui avait accosté la plaque de glace. Or, au Pôle, tout le monde a toujours les yeux levés au ciel pour voir si quelque pensée gelée se dessine dans l'espace. MorSe regardait au dessus des têtes des trois hommes armés de bâtons, quand il lut avec horreur: «Maintenant, on va tuer une centaine de ces animaux stupides à coups de bâton sur le museau. On s'en fera une jolie série de sacs et de chaussures. » Dès que MorSe vit vibrer et ruisseler ces mots dans l'air, il glissa de la plaque de glace dans l'eau. AnGuille se mit à nager devant lui et MorSe lui emboîta le pas, ou plutôt la nageoire. À force de nager, nager, et nager encore, la température passa d'un milliard au-dessous de zéro à un milliard au-dessus de zéro. Mon Dieu, quelle chaleur! La mer bouillait comme de l'eau dans une casserole, simplement, le feu n'était pas sous la casserole mais au-dessus. Morse ne pensait toujours à rien. Après des millions d'années passées sans penser, sa tête était encore paralysée ; mais de temps en temps, tout en nageant, il interrogeait AnGuille
- AnGuille, très chère AnGuille, tu
penses déjà',
- Bien sûr!
- Et à quoi penses-tu ?
-je pense un tas de choses sur toi. - Par exemple ?
- Oh! je préfère ne pas te le dire, tu pourrais te vexer.
MorSe resta perplexe. Au Pôle, comme nous l'avons dit, personne ne pensait rien de personne. Et maintenant, au contraire, AnGuille, profitant du fait qu'à TroPique les pensées restaient invisibles, pensait de lui qui sait quelles perfidies. Quelle pipelette, quelle sotte, quelle hypocrite! Soudain, MorSe s'aperçut qu'il pensait beaucoup de mal d'AnGuille; et il fait certain qu'AnGuille, de son côté, pensait beaucoup de
mal de lui. C'était d'ailleurs la même chose avec tous ceux qu'il rencontrait au pays de TroPique. Ils lui faisaient tous les plus grands compliments : «Bienvenue, comme tu es beau, quelle belle tête, quels yeux expressifs, quelles superbes moustaches, etc. etc. » Mais MorSe était sûr, absolument sûr, que s'ils avaient été au Pôle, il aurait lu audessus de leurs têtes, en lettres de glace : « Il ne manquait plus que lui, maintenant, quelle sale tête, avec ce museau, ces petits yeux porcins, ces moustaches tombantes, etc. etc. » Cette certitude qu'au pays de TroPique ils pensaient tous exactement le contraire de ce qu'ils disaient empoisonnait le séjour de MorSe.
Un jour, au milieu du golfe de Guinée, sous un soleil d'un milliard et demi de degrés au-dessus de zéro, un certain individu à la peau sombre, qui s'appelait AFricain était dans une barque avec sa femme et ses enfants. Il chantait une petite chanson à AnGuille qui l'écoutait, enchantée, bouche bée
Anguille, anguille,
Comme tu brilles, Toute grassouillette
Et pourtant svelte comme une crevette Anguille, anguille Comme tu brilles !
AnGuille, attirée par ces paroles gentilles, oubliant évidemment qu'au pays de TroPique on dit une chose et l'on en pense une autre, s'approcha de la barque. Aussitôt, AFricain jeta son filet et en un rien de temps la pauvre AnGuille fut prise, coupée en morceaux, panée, frite et dévorée. MorSe avait assisté, horrifié, à ce massacre. Il s'éloigna en pensant: « Quelle horreur! Al i! vivement nous autres au Pôle, qui ne pensons jamais à rien et qui, si cela se produit, laissons voir nos pensées.
Cependant, un peu à cause de la nouveauté des lieux et des coutumes, un peu par paresse, MorSe ne repartit pas pour le Pôle. Enfin, pourquoi ne pas l'admettre? Le fait de pouvoir penser sans que les autres ne lisent dans la pensée et surtout de penser le contraire de ce que l'on faisait et de ce que l'on disait, le fascinait. Ainsi, MorSe resta au pays de TroPique et en adopta les habitudes. Certes, ce n'était pas un monde aussi loyal et transparent que celui du Pôle; en revanche, cependant, le fut de penser pour soi, sans la surveillance des autres, permettait des développements inespérés. Par exemple, à force de réfléchir, MorSe arriva à méditer sur des choses très élevées, philosophiques même, telles que Qui sonnes-nous? I)'où venons-nous? Quel est notre destin ? Pourquoi existons
nous? Où allons-nous,
C'étaient, en somme, les questions que l'on se pose lorsque, bon gré mal gré, on ne vit pas pour manger mais que l'on mange pour vivre. Les réponses étaient:
nous sommes tous des morses; nous
venons du Pôle, notre destin est de manger des poissons, nous existons parce que nous avons été créés par un être suprême qui, c'est évident, a la forme d'un morse gigantesque; à la fin, nous quitterons le pays de TroPique si faux et si trompeur pour retourner au pays de la loyauté et de la vérité, c'est-à-dire au Pôle.
Telle fut en effet la conclusion du voyage de MorSe au pays de TroPique. Un beau jour, las de penser une chose et d'en dire une autre, MorSe repartit pour le Pôle. «()ni, pensait-il, ne plus penser, quel repos! Rester là immobile, vide, sans pensées, pendant un million d'années au moins ! »
Hélas, ce n'était qu'une illusion. Une fois au Pôle, sur sa vieille plaque de glace, MorSe s'aperçut que malgré tous ses efforts pour s'en débarrasser, désormais, il avait pris la mauvaise habitude de penser.
Naturellement, toutes ses réflexions apparaissaient Immédiatement au-dessus de sa tête, écrites en mots de glace diaphanes et scintillants. Les ours, les pingouins, les phoques, les grands poissons, les petits, voyaient ces pensées gelées et le fuyaient à qui mieux mieux. Car au Pôle, en ce temps-là, penser était considéré pour le Moins comme une grave inconvenance. Comme chez nous se promener nu dans la rue.
Le pauvre MorSe, de son côté, voyant ses amis d'autrefois le fuir et l'éviter, ne pouvait s'empêcher d'en penser tout le mal possible. Ce mal s'exprimait aussitôt en petits nuages pleins d'insultes et d'invectives gelées. Aussi, le fossé entre MorSe et les gens du Pôle se creusait-il chaque jour davantage, devenant infranchissable. MorSe se retrouva rapidement seul sur sa plaque, seul pour toujours.
Depuis cette époque, la température
s'est beaucoup élevée au Pôle, de sorte gL1e les pensées ne gèlent plus et qu'elles
sont devenues invisibles. Mais désormais,
Moi- Se a pris l'habitude de la solitude et
il n'a plus de rapports avec personne. Seul sur sa plaque de glace, il pense. A quoi pense-t-il? Il pense avec nostalgie aux temps où l'on ne pensait pas car les pensées étaient visibles. Belle époque insouciante, malgré le f


Dernière édition par le Dim 8 Oct - 10:55, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Entre le TOUT DIRE et le NON DIRE   Entre le TOUT DIRE et le NON DIRE EmptyDim 8 Oct - 10:38

Penser le contraire de ce qu'on dit
cela ne s'appelerait il pas de l'hypocrisie ?
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Jean-Louis
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MessageSujet: Re: Entre le TOUT DIRE et le NON DIRE   Entre le TOUT DIRE et le NON DIRE EmptyDim 8 Oct - 10:42

nuage a écrit:
Voici un texte d' Alberto Moravia ....
Il est long car pas comme les autres histoires , réduites à l' essentiel par l' oralité et l' anonymat des conteurs ...mais qui sait dans quelques siècles .....
Bien sûr entre le "tout dire" , la fameuse et cruelle transparence qui fait des dégats et aussi ne "rien dire", les fameux non dits , qui font autant de dégats ....la voie est certainement celle des pays tempérés , la voie du milieu où il faut se gratter la tête pour savoir ce qu'il est bon de dire et bon de se taire ....et de se garder son petit " jardin privé"



[/b]

Je crois que je vais choisir la voie des pays tempérés
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MessageSujet: Re: Entre le TOUT DIRE et le NON DIRE   Entre le TOUT DIRE et le NON DIRE EmptyDim 8 Oct - 10:42

Nane :


Cela peut aussi s' appeler SAGESSE!

rien n' est tout blanc , rien n' est tout noir ....tout est nuance et amour ....

Le mot hypocrisie est distribué à ceux qui par leur contradiction entre "dire" et "penser" est fait pour Détruire ou Manipuler l' autre à leur profit .....

Comme pour Bouddha dans ton autre histoire ...il faut avant de parler , savoir où se trouve l' autre sur son chemin ...toutes choses ne sont pas bonnes à dire si l' autre n' est pas prêt à l' entendre ....


Dernière édition par le Dim 8 Oct - 10:48, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Entre le TOUT DIRE et le NON DIRE   Entre le TOUT DIRE et le NON DIRE EmptyDim 8 Oct - 10:48

La sagesse n'est pas de dire le contraire de ce qu'on pense mais de dire juste ce qu'il faut sans blesser son interlocuteur et si cela peut lui être utile, sinon il est souvent préférable de se taire.

Mais ce n'est pas chose facile.
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MessageSujet: Re: Entre le TOUT DIRE et le NON DIRE   Entre le TOUT DIRE et le NON DIRE EmptyDim 8 Oct - 10:50

d' accord avec toi ..Nane

PARLER VRAI ou se TAIRE ....


mais mais , ayant été "soignante", je t' assure que parfois , nous sommes dans le cas de dire le contraire de ce que l' on pense , pour faire vivre .....coute que coute , l' autre ....

Et parfois je me demandais pourquoi cet acharnement qu'on les soignants de faire vivre à tous prix ?????????

Enfin , je ne suis plus confronté à ce dilemme .

L' effet " placebo" n' est pas un mythe.....
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MessageSujet: Re: Entre le TOUT DIRE et le NON DIRE   Entre le TOUT DIRE et le NON DIRE EmptyDim 8 Oct - 11:04

c'est un cas extrême, mentir pour donner un peu d'espoir ou de réconfort comme quoi rien n'est jamais tout blanc ou tout noir ...
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MessageSujet: Re: Entre le TOUT DIRE et le NON DIRE   Entre le TOUT DIRE et le NON DIRE EmptyDim 8 Oct - 11:14

En fait je n'ai jamais eu l' impression de MENTIR!

Car ce que je disais , je le désirais très très fort ...

Le désir est une chose qui n' est pas réalisée...

mais ....là nous entrons dans le domaine épineux de la croyance .....qui est elle aussi bien , mensonge que vérité .......
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