Allez un second, puisque vous semblez les aimer...
Valériane :
- Tu m'entends Valériane, tu restes dans la voiture de Monsieur Jacques, mais tu ne touches à rien !! À rien !!
Valériane hoche la tête, sa maman est encore grondeuse. Elle n'aime pas cette voix qu'elle a avec elle. Pas du tout la même que celle qu'elle prend avec Nanou. Peut-être que dans une famille, les mamans ont une voix par enfant. Une voix qui arrive dans son ventre en même temps que le bébé. Et plus le bébé est beau et plus la voix est douce. Valériane n'était pas un beau bébé. Cela, elle le sait. Maman le lui a dit. "Il faut couper tes cheveux, ils ne sont pas jolis"." Cache donc tes genoux, ils sont laids"." Tu as de bien vilaines dents ma pauvre fille"... Pourquoi ma pauvre fille ? Parce que moins on est jolie, moins on est riche ?
Valériane ne sait pas. Alors, comme elle n'est pas très jolie, du coup, elle est pauvre alors elle s'applique. À faire comme il faut. Tout comme il faut. Ne jamais rentrer dans la chambre de maman pour y faire un câlin dans le lit, bien ranger ses affaires, rire souvent pour montrer comme elle est de bonne humeur. Ne pas désobéir.
Donc aujourd'hui rester dans la voiture et ne rien toucher.
Mais il y a ce petit bonhomme en plastique bleu, tout rond, tout rigolo. Il est attaché au rétroviseur avec une ventouse. Maman a vu le regard de Valériane.
- Je t'interdis de toucher au petit bonhomme Antar !! Tu as compris ?!
Valériane a compris, maman claque la portière et disparaît dans l'escalier de pierres. Valériane a compris alors elle le caresse des yeux, le petit bonhomme, elle le frôle de son cœur et lui parle de ses rêves. Il semble très attentif, il a même arrêté de gigoter au bout de sa petite chaîne. Il semble bien qu'il écoute ce que lui murmure la petite, mais comme il n'entend pas très bien, la ventouse se décolle et il tombe. Tout seul, tout droit dans le cendrier débordant de mégots sales.
Valériane sent son cœur qui s'arrête. Maman va revenir, elle l'accusera. Elle se faufile entre les deux sièges avant et de sa petite main maladroite essaie de recoller le bonhomme bleu. Il résiste, c'est qu'il ne veut pas, pense Valériane, il ne veut plus être accroché comme un saucisson. Il pleure sans doute d'être seul lui aussi. Ils se chuchotent tous les deux les plus belles promesses, elle ne l'abandonnera jamais. Maman est arrivée discrètement. (Sournoisement pense le bonhomme bleu)
elle gifle Valériane, la gifle numéro trois d'aujourd'hui.
- Tu es vraiment, vraiment méchante ! Une très vilaine petite fille !
Monsieur Jacques est avec elle.
- Ce n'est rien, oh vraiment, ce n'est pas grave !! Il te plaît Valériane ? Alors, garde le !
Maman a enfoui le petit bonhomme dans son grand sac. Valériane ne pipe pas mot. Elle attend. Sur l'autoroute, maman a ouvert la vitre et a jeté le petit bonhomme par la fenêtre. Valériane l'a vu passé, elle l'a entendu crier. Elle croise dans le rétroviseur les yeux de maman, ses yeux noirs. Elle ne pleure pas. Elle a juste le cœur au bord des mots.