Le téléfilm d’hier soir, dans la série « des aventures de Nicolas Le Floch m'incite à échapper à l’époque contemporaine, je glisse vers le XVIIe siècle. Personne ne lit plus Mme de Sévigné et pourtant elle n’est pas tombée dans les oubliettes de l’histoire comme tant d’autres… Hier on me demandait si oui ou non mes petites histoires étaient vraies, aujourd’hui en me saisissant de l’histoire ancienne, je peux dire les noms, les lieus, depuis bien longtemps la paix des morts à emportée tous les ressentiments.
Mme de Sévigné passait de longues heures à réfléchir, à écrire ses fameuses lettres. Comme chacun sait, la marquise se tenait très informée des choses de son monde. La lecture de l’édit qui révoquait celui de Nantes ajouta beaucoup à son contentement. L’interdiction du culte protestant, l’éducation catholique obligatoire, l’exil des pasteurs, Mme de Sévigné approuvait toutes les clauses. Il faut croire que les Dragons se montraient fort bons missionnaires, en brûlant les villages. Un peu comme de nos jours on extermine les chrétiens au Soudan, comme on les défenestre au Maghreb, on les dynamite en Irak, on les égorge en Palestine… toujours au nom du vrai Dieu bien entendu. Les choses de ce monde sont trop complexes pour qu'une guerre de religion soit hier comme aujourd’hui tout à fait pure.
Souvenons-nous de nos ancêtres, quand la fièvre, quand l'émeute descendait des montagnes à la plaine, elle déferlait sur les garrigues, portait ses torches incendiaires jusqu'au Aigues-Mortes, à la Tour de constance.
Souvenez-vous gens de Lozère, c'est dans le Gévaudan qu'elle est née.
Dans notre région, plus pauvre que pauvre, chez nous où l'avènement du siècle des lumière fut salué par des plaintes, des cris, des larmes, du sang. Les paroisses murmuraient, celles dont l'histoire des Camisards à porté les noms : Moissac, Barre des Cévennes, Saint André de Valborne , Saint Germain de Calberte. Déjà que le seigle, l'orge, le millet noir, les avoines, les châtaignes ne suffisaient pas à nourrir les habitants et leurs bestiaux, moins encore à payer les charges. Encore heureux quand les gelées, les orages, ne détruisaient pas les récoltes ! Monsieur l'intendant Basville, qui n’aime guère les Languedociens s'émerveille pourtant de leur patience quand il s'agit de capter et d'utiliser une source, même quand le génie du paysan méridional échoue devant la résistance d'un sol ingrat. Ce que sa terre lui refuse, l'homme du Gévaudan le demande à ses manufactures locales. On fabrique dans les Cévennes sur l’Aubrac des étoffes variées : cadis, burats, serges, ratines. On les porte au marché de Mende où elles s'achètent à très bas prix : un gain faible mais sûr. On essaye bien de tromper un peu l’acheteur de Lyon pour se faire un peu plus de marge, les pièces de tissu ne font pas toujours la bonne longueur. L'hiver, les maisons perdues dans la neige se transforment en ateliers de tisserands où chacun vaque à sa besogne jusqu'aux petits enfants qui apprennent à filer.
Un laboureur doit-il vivre que de farine de châtaignes l’hiver ? Cardeurs de laine, tisserands ne gagnaient que de cinq sols par jour, ce sont des Huguenots bien moins puissants que leurs ancêtres qui ferraillaient à l’époque des rois Henri. Ils ne sont plus assez puissants pour empêcher leurs rivaux catholiques. Tout naturellement un lien se forma entre leur pauvreté sans espoir et leur religion sans temple après le passage des Dragons du roi, et leur esprit dans les vapeurs de sang haïra le prêtre qui les entraînaient vers l'autel de tous les sortilèges. Même le collecteur d'impôts les rançonnait dans leur misère. Vient le jour où le curé, sur les ordres de l'intendant, dressa la liste de ses paroissiens tout en évaluant leur situation de fortune. Investi d'un tel pouvoir, comment ne serait-il pas soupçonné d'en user à l'avantage de ses amis, au détriment de ses ennemis ? Et ceux-ci sont le plus grand nombre. Les registres des communautés cévenoles contiennent les longues listes des Protestants qui ont abjuré tout en restant fidèles à ce qui était supprimé, banni, brûlé. Les cloches les conduisaient à l'église pour sauvegarder les apparences. Alors ce fut dans des temples au milieu de nulle part, élevé par leur imagination qu'ils continuaient le culte. Prêche dans le désert, édifice transposé dans l'irréel, comme le paysage familier lorsque le brouillard semble le séparer de ses attaches terrestres. Le calvinisme officiel exclu il se métamorphose, avec les prédicants, les dogmes s'estompent, les prophètes se levèrent - les chefs d'une guerre civile la chemise couleur de sang règnent par le prestige de leurs attaquent à un contre dix.
« On le sort de prison pour le mener au lieu
Où il devra aller rendre son âme à Dieu
La tête, les pieds nus, ayant au cou la corde
Le long de son chemin chantant miséricorde.
Seul celui qui ta vendu ne se découvre pas.
Mais un jour devant Dieu, il sera comme Judas »